Lire

Posté dans MOTS par kerbacho - Date : octobre 10th, 2005

« De même je n’ai pas pu toucher une plume de tout ce temps, car à embrasser du regard une telle vie, qui s’élève continuellement sans faille, si haut qu’on peut à peine la suivre avec sa longue-vue, on ne peut pas garder la conscience en paix. Mais il est bon que la conscience porte de larges plaies, elle n’en est que plus sensible aux morsures.

Il me semble d’ailleurs qu’on ne devrait lire que les livres qui vous mordent et vous piquent. Si le livre que nous lisons ne nous réveille pas d’un coup de poing sur le crâne, à quoi bon le lire ? Pour qu’il nous rende heureux, comme tu l’écris ? Mon Dieu, nous serions tout aussi heureux si nous n’avions pas de livres, et des livres qui nous rendent heureux, nous pourrions à la rigueur en écrire nous-mêmes.

En revanche, nous avons besoin de livres qui agissent sur nous comme un malheur dont nous souffririons beaucoup, comme la mort de quelqu’un que nous aimerions plus que nous-mêmes, comme si nous étions proscrits, condamnés à vivre dans des forêts loin de tous les hommes, comme un suicide — un livre doit être la hache pour la mer gelée en nous. Voilà ce que je crois. »

Franz Kafka

dans une lettre à son ami Oskar Pollak
Cité par

http://michel.bernard.free.fr/anniversaire.php?jour=2004-01-27

qui renvoie à http://perso.wanadoo.fr/mondalire/FAtext20.htm

Allumettes & chaizelangue

Posté dans MOTS par kerbacho - Date : octobre 10th, 2005

Pourquoi certains mots, comme allumettes, me font-il l’effet d’être aussi bien allemands que français ?
Dans le dialecte francique parlé en Lorraine germanophone, quelques mots de la vie courante étaient français, comme par exemple allumettes justement, dont je n’ai découvert et utilisé l’équivalent allemand, Streichhölzer, que bien plus tard et toujours avec réticence. Idem pour porte-monnaie (proncé pot’moné). Les mots équivalents en haut-allemand étaient moins familiers voire totalement inconnus, comme c’est le cas de Geldbeutel.

Inversement, nous avions beau être plus ou moins sommairement bilingues, nous ne connaissions pas l’équivalent français de bien des mots pourtant d’usage courant, ceux qui étaient tabou notamment, ceux du sexe par exemple, ou encore ceux de la vie agricole, le nom des céréales pourtant familières, de certaines variétés de fruits, ceux des outils… Sans parler des proverbes, dictons et des expressions idiomatiques bien sûr.
Il serait intéressant de redessiner le tracé sinueux de cette frontière linguistique qui coupait nos vies en deux.

J’ai déjà évoqué cette hu-mie-liation des personnes bilingues de ne pas pouvoir être tout à fait elles-mêmes des deux côtés de leur frontière intérieure.
Je n’ai pas encore parlé de chaizelangue, ce sera pour une autre fois.

Rencontres

Posté dans VOIR par kerbacho - Date : octobre 10th, 2005

À Malines, dans l’exposition « Dames met klasse » dont Joris C. est le commissaire et que nous avons visitée aujourd’hui avec ses deux filles Hannah et Birgit, j’ai vu sur une pièce d’un jeu ayant appartenu à Marguerite d’Autriche (XVIe siècle), un superbe personnage humain à tête de cerf. J’ai senti la présence de Max Ernst dont les personnages à têtes d’oiseau me fascinent, tout comme les hommes à têtes d’animaux de Grandville. J’aime ces rencontres fugaces et fortuites.
Dans la même exposition, en entendant quelque part dans le commentaire de l’audioguide (quelle invention géniale pour l’ambiance calme qu’ils font régner dans les expositions même très fréquentées !) le mot « déhanchement » au sujet d’une statue de Sainte-Ursule que je ne voyais pas à ce moment-là, j’ai imaginé cette sainte en position de tribangha comme dans la statuaire indienne. J’aime ce genre de rencontres.
Dans la même expo, un peu plus tard, nous avons rencontré d’abord Maïke, Koen et leurs trois superbes enfants Quentin, Klara et Katharina, puis Carole et Antoine. J’aime ces rencontres.