Lalit Rao

Posté dans ÉCOUTER, HINDOUSTAN par kerbacho - Date : octobre 14th, 2005

Il est temps que je commence à noter ces idées qui depuis des années me tournent dans la tête à propos du chant indien, pour essayer de saisir ce qui me touche tant, moi occidental sauvage et inculte du point de vue de l’Inde, ne parlant aucune de ses langues, ne connaissant rien à son histoire, ni à ses histoires, n’y ayant jamais mis les pieds.

En écoutant Lalit Rao, plus précisément une série d’enregistrements d’origine inconnue, avec des khyals en Bihag et Kedar, je suis frappé une fois de plus par l’évidence des qualités de sa voix :
L’aisance et la souplesse extraordinaires, la justesse d’intonation parfaite, le timbre clair et pénétrant.

La voix de Lalit Rao concilie des caractéristiques contradictoires, tour à tour rêveuse et à la limite de l’hystérie, douce et autoritaire, blanche ou vibrée, de gorge ou de tête. En d’autres circonstances tant de maîtrise et de virtuosité m’ont même inspiré (à tort) un sentiment de froideur.

Je crois bien que l’importance du meend dans la musique indienne ne m’est apparu nulle part avec autant de clarté que dans les enregistrement de Lalit Rao, et plus précisément dans ce Bihag et ce Kedar. Le meend n’est pas un ornement au sens où il serait optionnel, voire superflu. Il est un élément constitutif du discours musical aussi essentiel que les notes fixes. Son caractère structurel indispensable est illustré de façon convaincante par la manière de chanter de Lalit Rao.

L’art de faire les meend est si particulier, si difficile, si propre à la musique de l’Inde du Nord, qu’il est l’écueil sur lequel viennent à mon avis s’écraser la plupart des tentatives de musiciens occidentaux. Rares sont ceux qui réussissent à produire des glissandos crédibles, qui ne soient ni des caricatures ni des effets.