J’écoute une partie des émissions de France Culture consacrées ces dernières années à Jean Tardieu et à son œuvre, et diffusées en novembre 2004 à l’occasion du centenaire de sa naissance. Je ne m’étais jamais bien rendu compte de la proximité théorique entre Jean Tardieu et Pierre Schaeffer. Ils se sont probablement influencés, j’ignore dans quelle mesure et dans quel sens.
L’œuvre de Jean Tardieu m’ a touché profondément dès la première rencontre (bien après avoir découvert Pierre Schaeffer) et me reste chère. Je découvre aujourd’hui des expériences communes.
Tardieu parle per exemple d’une crise de « perte de sens des mots » vers l’âge de 17 ans. Ce qui me rappelle un épisode de ce genre vécu à l’âge de 6 ans lors de vacances à Antibes, au cours desquelles j’ai eu conscience d’oublier certains mots du dialecte (que je n’avais pas parlé pendant quelques semaines). Je me souviens avoir lutté en vain, allongé sur mon lit aux heures chaudes de la sieste obligatoire, pour retrouver le mot de notre dialecte kerbachois par lequel on désignait un robinet.
A force de le chercher sans le trouver et de répéter le mot français robinet , celui-ci perdait progressivement son sens. Je sentais que le monde des mots s’éloignait du monde des choses.
Les mots sont alors comme des étiquettes qui se décollent (l’image est d’Erwin Mortier, dans son roman Alle dagen samen).
Tardieu utilise un mot remarquablement beau, expressif et trop rare : viduité