La musique d’Abdul Halim Jaffer Khan en concert gratuit à BXL

Posté dans ÉCOUTER, HINDOUSTAN par kerbacho - Date : novembre 27th, 2009


Je n’ai jamais parlé sur ce site d’un sitariste que j’apprécie pourtant beaucoup, et depuis longtemps, pour son originalité et son caractère. Âgé aujourd’hui de 80 ans, relativement peu connu en Occident (sauf par un CD publié jadis par Navras en Angleterre), Abdul Halim Jaffer (ou Jaffar) Khan jouit d’une grande considération en Inde. Il a beaucoup apporté à la musique classique de son pays et plus précisément au sitar, instrument sur lequel il a développé un style personnel dit Jafferkhani Baaj (hérité sans doute de son propre père) tout en restant globalement sous le parapluie de la tradition.
On pourrait dire qu’il est le plus sitariste des sitaristes, dans la mesure où ce qui fait son originalité, ce sont des traits par définition sitaristiques. Son ornementation est riche, très liquide si l’on peut dire, ses kan et ses meends (portamento) d’une rondeur peu communes, et son timbre, riche en harmoniques aigues mais douces, associé à un phrasé très personnel, font un style immédiatement reconnaissables. Son approche et son exposition du raga sont hautement systématiques, très démonstratives, et le moins que l’on puisse dire est que le sitariste n’a peur ni de se répéter, ni au contraire de (faire semblant de) s’égarer. Sa maîtrise de l’instrument est époustouflante, également dans le registre grave où il ne s’attarde malheureusement pas assez à mon gré. Sous des dehors peut-être superficiels, il y a une grande subtilité.

 Abdul Halim Jaffer Khan, sitar | Raga Gorakh Kalyan| Kishen Maharaj, tabla 
27′ | piste 2 du CD édité par Musician’s Guild 

Plus que d’autres, ce musicien affecte les contrastes, et dans les parties mesurées il use volontiers de motifs mélodiques courts, voire ultra courts, marqués par des silences, hypervirtuoses, ce qui donne un phrasé assez haché. D’où résulte un art très spectaculaire mais passionnant. Une musique que l’on ne peut pas écouter en tâche de fond sans qu’elle vous fasse dresser l’oreille… ou qu’elle vous irrite (souvent la qualité des enregistrements disponibles n’est pas extraordinaire).
Parmi les caractéristiques variées de cette façon de jouer du sitar, j’observe qu’Abdul Halim Jaffer Khan, comme Ravi Shankar, tire un profit maximum de l’amplification électrique de son instrument.

Son style ne se veut pas explicitement d’inspiration vocale, pour autant que j’en juge. Abdul Halim Jaffer Khan se situe lui-même dans la lignée des beenkar de l’Indore Gharana mais sans insistance ni sectarisme. Il est plutôt ouvert et syncrétique.

La séquence ci-dessus (R. Sindhi Bhairavi) date des années 60 et a été filmée par Deben Bhattacharya.

Si j’en parle ici et maintenant, c’est parce que la semaine prochaine, vendredi 4 décembre, jouera en concert à Bruxelles un jeune homme qui semble être un digne représentant du style Jafferkhani Baaj : Deepsankar Bhattacharjee, disciple direct d’Abdul Jaffer Khan.
Les extraits de concerts ci-dessous montrent que le garçon a des ressources qui justifient largement le déplacement.
D’autant plus que le concert sera gratuit*.
Il aura lieu à 19h à Flagey (renseignements : 0473 85 44 80 | confirmation recommandée par un message adressé à l’adresse indianclassicalmusic@live.be)

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Un Jhala exemplaire

Posté dans ÉCOUTER, HINDOUSTAN par kerbacho - Date : novembre 25th, 2009

Un des jhala-s le plus fous que j’aie jamais entendus est dans ce morceau de 50 minutes.
Ils s’y sont mis à quatre ! Folie totale. Tout commentaire superflu.
Origine du fichier : Tanz sur esnips

R. Zila Kafi – Ali Akbar Khan, Nikhil Banerjee, Aashish Khan et Mahapurush Mishra

Ali Akbar Khan & Nikhil Banerjee, avec à gauche Ashutosh Bhattacharya (tabla) et à droite Mahapurush Misra (tabla)
Sur cette photo, Ali Akbar Khan (sarod) & Nikhil Banerjee (sitar) sont entourés à gauche par Ashutosh Bhattacharya (tabla) et à droite par Mahapurush Misra (tabla). Elle ne correspond pas au concert, mais on y retrouve trois des musiciens. D’après la légende de l’original , elle est extraite du film bengali « Surer Pyaasi »

Commentaire superflu, mais commentaire quand même : les jugalbandi-s ont cessé de me passioner depuis longtemps, et je n’aime pas du tout celui d’Ali Akbar Khan et Nikhil Banerjee publié en disque.
Si j’ai décidé de le mettre en ligne, c’est parce que tout est intéressant dans cet enregistrement (malheureusement de médiocre qualité technique), à commencer par la composition en tempo moyen. Après la première demi-heure, dans la composition rapide, certains passages me frappent plus que d’autres, par exemple les traits mélodiques de Nikhil à partir de 21:30, jusqu’à 23:15, puis de 24:20 à 24:40 etc
Il est rare que la partie rapide, surtout quand elle est aussi longue, me paraisse si réussie. Or ici, pendant une demi-heure, et en dépit du tempo vertigineux, les musiciens maintiennent une qualité et une intensité remarquables pour un jugalbandi.
Qu’est-ce que ce serait s’il existait un bel enregistrement stéréophonique de ce concert ! 

Dans un de ces entretiens où on l’interrogeait sur Nikhil Banerjee, Ali Akbar Khan disait qu’il avait eu beaucoup de plaisir à jouer avec lui. Depuis que je connais cet enregistrement de leur concert avec Zila Kafi, je crois comprendre ce qu’il voulait dire.

Obra de Arte Total – Frances-Marie Uitti & Yota Morimoto – 13AL

Posté dans ÉCOUTER, REGARDER par kerbacho - Date : novembre 23rd, 2009

Frances-Marie Uitti + Yota Morimoto

Sepp en 1915

Posté dans REGARDER par kerbacho - Date : novembre 18th, 2009

En ce 18 novembre, le petit garçon au képi déjà trop petit pour lui, entre ses parents et ses soeurs, aurait eu 98 ans. Je me demande quand on a commencé à l’appeler Sepp.
Sepp et sa famille vers 1915
Je ne suis pas certain de la date. Je suppose que c’est 1915 en estimant que sur cette photo mon père avait 4 ou 5 ans ans. La Première Guerre Mondiale venait de commencer.

Ulhas Kashalkar en Europe pour deux concerts

Posté dans ÉCOUTER, HINDOUSTAN, REGARDER par kerbacho - Date : novembre 9th, 2009

Ce jeudi se produira à Anvers, au Zuiderpershuis, un des meilleurs chanteurs de l’Inde du Nord. Ceci n’est pas un avis personnel, mais un jugement très largement partagé en Inde et en dehors. C’est donc un concert à ne manquer sous aucun prétexte si on s’intéresse un tant soit peu sérieusement à la musique classique indienne, quitte éventuellement à garder les yeux fermés d’un bout à l’autre car Ulhas Kashalkar n’est pas une «bête de scène». Il ne fait pas de risettes. Est-ce à cause de sa concentration intense ou de quelque autre caprice de la nature, mais ce musicien ne donne pas l’impression d’être heureux sur scène. Ce détail peut dérouter le spectateur occidental à qui son bagage culturel suggère qu’un musicien doit rayonner de bonheur et de sérénité. Une belle occasion pour apprendre à nous défaire de nos préjugés physiognomoniques !
Ulhas Kashalkar en concert à Delhi en 2008 | http://www.hinduonnet.com/
La musique d’Ulhas Kashalkar ne souffre en rien de cette particularité. Il y a pile un an je l’avais entendu à Amsterdam dans les conditions assez exceptionnelles d’un concert prestigieux qui ne m’avait pas enthousiasmé. Pourtant je me réjouis de cette nouvelle occasion d’entendre de près et en réalité la manière si particulière de chanter des grands maîtres de l’Inde du Nord, que je n’ai jamais connus que par des enregistrements. Je pense notamment à Gajananrao Joshi, le guru d’Ulhas Kashalkar.
Gajananrao Joshi | Raga Lalita Gauri | pitamasaiyan | 40’50″ min.

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Mercredi 11 novembre – 23h10 : Le long morceau de Gajananrao Joshi est à nouveau en état de marche – Il s’agissait d’une petite erreur dans le codage html qui envoyait le programme de lecture des morceaux à une fausse adresse. En revanche le problème des MP3 mutilés (voir ci-dessous) sur mon DD n’est pas réglé.
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Il ne reste donc plus qu’à aller au concert. :-)

———– Quelques heures plus tard…
Je viens de m’apercevoir à la lumière de ce problème que pour une raison totalement inconnue, des centaines et des centaines de fichiers de musique de ma collection étaient devenus illisibles avec PRESQUE tous les programmes de lecture de MP3. Le seul programme qui ne pose pas de problème est Media Player Classic.
Peut-il s’agir d’un virus? Le problème n’affecte apparemment que des fichiers convertis par mes soins. Ces fichiers ont tous été lisibles normalement, avec différents programmes qui aujourd’hui ne marchent plus. Certains ont été convertis il y a plusieurs années, d’autres plus récemment. Ça ressemble à une catastrophe…

Patdip à Groningen

Posté dans ÉCOUTER, HINDOUSTAN, VOIR par kerbacho - Date : novembre 6th, 2009

Les trois concerts suivants de la mini-tournée de Reena Shrivastava et Kousic Sen ont largement tenu et confirmé la promesse des deux premiers. Leut, Aachen, Bruxelles, Amsterdam, Groningen, un périple riche en kilomètres (plus de mille), mais surtout en nouvelles expériences instructives, en rencontres lumineuses et chaleureuses, en bons moments, en franches rigolades, et en contradictions diverses.
Le concert de Bruxelles a été sonorisé malgré l’exiguïté des lieux, tandis que celui de Groningen était 100% acoustique, alors que l’endroit était bien deux fois plus vaste que la galerie bruxelloise. Quel constraste ! Les deux sont possibles, avec chacun son ambiance particulière, et des sujets de discussion à l’infini.
Reena Shrivastava et Kousic Sen à Groningen _ 1er novembre 2009
Pour celui d’Amsterdam, compte tenu des lieux, la nécessité de sonoriser ne fait de doute pour personne. Et pourtant, malgré la compétence supposée du personnel et la qualité de l’équipement de la salle, la sonorisation a posé des problèmes, comme d’habitude. Une fois de plus en raison d’un malentendu entre artistes et gens de la sonorisation, enfermés les uns et les autres dans leurs certitudes. Je n’entre dans les détails que pour en garder des traces et des souvenirs qui serviront peut-être une prochaine fois, sans illusions sur ce point, cependant, car il est rare que l’expérience serve quand on en a besoin.
Satisfaite dès le début des réglages du son dans la salle — et il est vrai que grâce au matériel disponible au KIT, le son y est très clair — Reena a cru bon de jouer sans les retours. Or au beau milieu de la première partie, au début de la composition rapide, quand le tabla a commencé à donner un peu de volume, elle a eu la sensation de ne plus s’entendre assez. Et elle a demandé que l’on augmente le volume (sans préciser). À partir de là et jusqu’à la fin de la première partie, le charme était pour moi rompu. Le sonorisateur, au lieu de faire usage de sa jugeote et de monter le son dans les moniteurs restés éteints jusque là, a monté le son dans la salle où le niveau est très vite devenu gênant.
Quand je lui ai demandé à l’entracte pourquoi il avait fait cela, il m’a répondu sans sourciller : « Mais c’est elle qui l’a demandé ! » Faut-il être obtus pour réagir ainsi ! Il aurait donné simplement un peu de retour, tout serait resté dans les limites, et au lieu de parler ici de ces tracas, je pourrais parler de musique.

À propos de musique, précisément, j’ai été frappé à chacun de ces concerts par le fait que la composition lente (chaque fois en jhaptal) offre chez Reena un contraste extraordinairement agréable avec le Jod qui précède et culmine avec une grande densité dans quelque chose qui n’est pas un Jhalla (car elle ne joue le Jhalla qu’à la fin de la composition rapide, ce qui n’est pas étranger à la tradition de son style Seni-Maihar). L’accompagnement très aéré de Kousic Sen rend justice à la légèreté de cette fine dentelle mélodico-rythmique, trouée de respirations bien dosées, de silences apaisants et de motifs discrètement décoratifs.
Nouveau contraste ensuite avec la composition rapide, nettement plus lourdement charpentée par des taans et des tihais qui focalisent toute l’attention sur le temps fort (sam). A l’excès parfois, surtout quand la sono est poussée trop loin.

Le calibre de l’alap aussi bien à Bruxelles (Yaman Kalyan) qu’à Amsterdam (?) est impressionnant de classicisme. Je n’avais plus entendu au sitar de présentation de raga aussi patiente et aussi bien charpentée depuis longtemps. En plus Reena Shrivastava ne craint pas de faire durer le plaisir.

Au concert de BXL j’ai énormément apprécié sa présentation de Raga Charukeshi (dont je ne raffole pas d’ordinaire) entre autres parce que j’ai immédiatement reconnu (sauf erreur de ma part) la très belle composition jouée (et peut-être composée) par Ravi Shankar sur un LP (ce n’est donc pas le clip que l’on trouve sur YouTube) et utilisée par Maurice Béjart dans son très beau ballet Bhakti (dont je mettrais bien des séquences en ligne ici un de ces jours).
Kousic Sen à Groningen _ 1er novembre 2009 Reena Shrivastava à Groningen _ 1er novembre 2009
Le concert de Groningen, merveilleusement bien organisé par Klaas Bouma et son équipe au Jonge Held, une ancienne ferme transformée en crèche privée, fermée le dimanche, se tenait l’après-midi. Ce fut l’occasion d’entendre en concert Raga Patdip, superbement joué tout en douceur par la sitariste et accompagné tout en caresses par le tabliste. L’absence volontaire et consentie de sonorisation n’a été que bénéfique. Klaas Bouma, qui a une bonne connaissance de la musique classique indienne et une très belel collection d’enregistrements, qui se rend en Inde pour des festivals comme le Saptak, en Angleterre pour le festival Darbar, est formel : ce fut le plus beau concert de musique instrumentale qu’il ait jamais entendu.