A Strasbourg comme à la guerre [un épisode]

Posté dans divers par kerbacho - Date : mars 31st, 2009

J’ai reçu d’amis strasbourgeois quelques échos de ce qui se trame, et j’en parle ici car de loin on n’a

« [...]aucune idée de ce qui se met en place à Strasbourg et dans toute la région. Cela en devient terrifiant.
[...] Tout rassemblement de plus de deux personnes est interdit.
L’armée a pris position en ville au Heyritz, à l’aérodrome du Polygone (fermé par des barbelés = 3 personnes en chomage technique) où sont installés des rampes de lancement de missiles (!!!), à Hoerdt, à Mundolsheim, et encore ailleurs, on l’apprend au jour le jour. Le foyer de l’enfance du quartier a été évacué depuis une semaine, et nous avons trois cars de CRS qui bloquent depuis plus de 15 jours la rue de la faisanderie (centre d’information de l’espace Schengen) où nous passons habituellement pour notre promenade en forêt. Ici, pas un quart d’heure sans croiser des véhicules de l’armée ou de la police qui patrouillent, contrôlent, et fichent mais aussi des voitures banalisées avec des chiens à l’intérieur. Les prisons de la région ont été vidées, pour le prochain accueil massif, les hôpitaux également.
Et toutes les facs fermées, naturellement, c’est pour ça qu’il y a eu évacuation…

J’en viens à me demander si tout ce déploiement n’est pas la préfiguration d’une guerre civile attendue ou provoquée, ou le test grandeur nature d’un drôle d’état en train de voir le jour… »

Préfiguration de guerre civile, je ne sais pas, mais c’est en tout cas une occasion rêvée de jouer à la guerre grandeur nature.

Christoph Prégardien

Posté dans divers par kerbacho - Date : mars 30th, 2009

Extraordinaire concert de chant à Leut, la semaine dernière, avec le ténor allemand Christoph Prégardien, que je considère comme un des plus grands chanteurs que je connaisse. En fait je ne le connais que par l’enregistrement de Winterreise (Voyage d’hiver), le formidable cycle de Lieder de Schubert — ce qui n’est déjà pas si mal et cela me comble tellement que je n’avais pas encore pensé à écouter d’autres enregistrements de lui.
Sa voix est extraordinairement homogène, claire, à la fois douce et forte. Du grave à l’aigu, le timbre ne change pas, dépouillé de tout effet de couleur ou de dramatisation. Le seul artifice, si l’on peut dire, c’est le volume.
Je ne connaissais que mal le cycle de la Belle Meunière, die Schöne Müllerin, qu’il a chanté ce soir-là et cette découverte a été à la mesure de mes attentes. Prégardien transfigure la beauté des Lieder de Schubert en en soulignant la musculature ferme et élastique. Pas une once de graisse, mais un cliquetis poétique parfaitement calibré. Comme une scrutation vétilleuse de la mécanique de l’âme humaine par un horloger impitoyable mais juste.

Autre découverte étonnante : l’accompagnateur Michael Gees, pianiste partenaire, dynamique en diable, mais discret quand il le faut. Je ne connaissais pas l’oeuvre et ne saurais donc dire si ce que le pianiste a joué était exactement ce qu’a écrit Schubert, et je n’en doute pas d’ailleurs, mais si on me disait que de temps en temps il improvisait des passages, je n’en serais pas surpris, tant son jeu rayonne de spontanéité.

Cristoph Prégardien & Michael Gees
Tout ça à 10 minutes de chez moi ! Quand on voit le calendrier de concerts du chanteur sur son site, on mesure la chance que l’on a de le voir à Maasmechelen qui est bien mentionné, entre Tokyo, New-York et Londres !
Comme le concert se déroulait dans la petite église et non au château de Leut, et que je suis arrivé un peu tard, j’ai eu à souffrir au dernier rang de la réverbération naturelle de l’édifice. Comme souvent dans ces cas-là, je mets mes mains en coquille sur mes oreilles pour favoriser les ondes directes et filtrer le plus possible d’ondes réfléchies. C’est fatigant, mais ça marche bien, car l’image sonore obtenue « avec les mains en conques sur les oreilles » est beaucoup plus précise que sans.
J’ai cependant observé un phénomène curieux au fil du concert. Au début, la différence entre l’écoute avec ou sans les mains est très forte. Chaque fois que j’enlève les mains, la réverbération noie les détails. Dès que je remets les mains, c’est comme si je me rapprochais de 10 mètres du chanteur et tout redevient net. Mais curieusement après une quarantaine de minutes, cette différence paraissait de moins en moins sensible, comme si l’oreille s’habituait ou se fatiguait.

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Cyclamen

Posté dans REGARDER, VOIR par kerbacho - Date : mars 29th, 2009

Jusqu’à une date récente je n’avais jamais vu de cyclamen. Je connaissais la couleur du même nom, ce rose mauve intimidant, c’est tout. Quelle ne fut pas ma surprise il y a quelques semaines de découvrir dans un pot où avait germé une graine offerte par un amateur de plantes, une fleur la tête en bas, au bout d’un pédoncule en crosse.

Cyclamen

Pendant quelques jours les pétales sont restés à l’horizontale, puis ils se sont relevés. Maintenant ils sont à la verticale, mais quand cette photo a été prise, ils n’étaient encore qu’à mi-course.
On se demande bien où reste le printemps.

Morton Feldman – Palais de Mari

Posté dans ÉCOUTER par kerbacho - Date : mars 24th, 2009

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Palais de Mari (1986) – piano solo – durée : 25 minutes

Morton Feldman, compositeur | Hugh Hinton, interprète

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Ali Akbar Khan & Nikhil Banerjee dans un vieux film bengali

Posté dans divers par kerbacho - Date : mars 23rd, 2009

Jonathan Burrows & Matteo Fargion

Posté dans ÉCOUTER, REGARDER par kerbacho - Date : mars 21st, 2009

Je n’ai jamais parlé ici de Jonathan Burrows et de Matteo Fargion que pour dire que je n’avais pas le temps d’en parler. Quelle ineptie ! Quand je pense que leur spectacle The Quiet Dance donné en février 2007 au Centre Culturel de Maasmechelen m’avait bouleversé (le mot n’est pas exagéré) et que j’ai vécu deux ans dans l’attente de leur retour annoncé, comment se fait-il que pendant tout ce temps je n’aie rien trouvé à en dire ?
Jonathan Burrows & Matteo Fargion
Ma première rencontre avec leur forme d’expression jusqu’alors tout à fait inconnue (de moi) avait été cette représentation de février 2007 de The Quiet Dance, morceau central d’une trilogie formée de Both Sitting Duet, The Quiet Dance et de Speaking Dance. Cette semaine, soit deux ans après ce premier choc inoubliable, j’ai eu l’occasion de voir l’ensemble donné en deux soirs, suivi le troisième par une création commanditée par Hugo Haeghens, directeur du Centre Culturel de Maasmechelen, avec pour prétexte le fortepiano de Nanette Streicher, instrument fétiche du Kasteel Vilain XIIII où se donnent une grande partie des concerts programmés par le Centre Culturel.
Dans The Quiet Dance, il n’y a pas ou que peu de musique au sens où on l’entend habituellement en ballet.
Il n’y a pas non plus de danse au sens restrictif où on l’entend habituellement.
Il y a, à n’en pas douter, une chorégraphie et des gestes.
Tous ces gestes sont de la musique, ils sont la musique.
Un spectacle unique en son genre.
Un ballet incontestablement, au sens le plus fort du terme, soit une « activité intense accompagnée de changements, d’échanges » pour reprendre les mots du dictionnaire Le Robert pour définir le sens figuré du mot ballet.

Dès les premières secondes de la représentation, j’ai eu le sentiment que ces deux danseurs me connaissaient personnellement, me parlaient de moi, parlaient à l’enfant que j’ai été et que suis resté au fond de moi. Mon coeur s’est mis à battre plus vite, plus fort.

Jonathan Burrows & Matteo Fargion

Je pourrais en parler longuement mais je préfère en rester là.
Je voudrais simplement inciter le plus de monde possible à assister à la représentation de The Quiet Dance. Jeudi soir nous étions une vingtaine (et encore, si on ne compte pas le personnel du Centre Culturel ni leurs conjoints, on atteint à peine les dix spectateurs), alors que ces représentations ont bénéficié d’une très vaste publicité. Je ne mentionnerai que les deux pages entières dans les quotidiens nationaux De Morgen et De Standaard dans la semaine qui a précédé la série de trois représentations et un millier de lettres d’invitations adressées à des personnes de la région censées s’intéresser à la danse, mais je sais qu’il y a eu un gros travail resté de toute évidence sans fruits.

Je me demande si ce spectacle ne devrait pas aussi être montré aux enfants.
Une des questions que je n’ai pas pensé à poser aux artistes est justement de savoir si The Quiet Dance avait été proposé à des enfants et comment ils réagissaient.

J’ai retrouvé mes impressions fortes quasi intactes après deux ans, mais la perspective change dès qu’on connaît (un peu) les deux autres pièces, Both Sitting Duet pour laquelle les deux artistes restent assis presque du début à la fin, les yeux rivés sur leur partition posée devant eux par terre, et Speaking Dance pour laquelle ils restent également assis, avec leur carnet de notes entre les mains. Ces deux volets ont une dimension plus intellectuelle, ou peut-être moins charnelle, ce qui laisse plus à découvert la structure théorique sous-jacente.

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Je ne parlerai pas ici de la pièce créée vendredi soir parce qu’elle m’a laissé sur ma faim. J’ai trouvé très enrichissante en revanche vendredi après-midi la séance de commentaires préalable à la dernière représentation du soir, au cours de laquelle les artistes avaient été invités à parler de leurs sources d’inspiration. Jonathan y est allé très fort en citant quelques références ardues tandis que Matteo évoquait, entre autres, Morton Feldman, le compositeur qui l’avait le plus marqué.
Une belle occasion de découvrir Palais of Mari de ce compositeur, une très belle pièce pour piano seul disponible intégralement en streaming realaudio. Pour une raison inconnue, je n’arrive pas à aspirer plus de 74% de ce fichier. Le téléchargement se bloque au dernier quart après environ 9 Mo. L’écoute en ligne se passe bien.

Pas de malheur

Posté dans divers par kerbacho - Date : mars 3rd, 2009

«
Qu’est-ce qu’il faut faire? Attendre de mourir ? Ou chaque jour parcourir ce jardin dont les limites sont extrêmement précises, goûter l’eau, sentir le vent, se préoccuper de la réserve de charbon ou de bois, des mites qui détruisent les vêtements et des vers qui creusent les poutres, des lézardes qui transpercent les murs, de la croissance de tel faux acacia à la place où il fut planté? Attendre de mourir ou se soucier de l’air, de la forme de la maison dans laquelle on s’enferme pour la nuit, de chaque planche de cette maison, du moindre clou comme de la couleur du ciel, des mots des voisins par-dessus le mur mitoyen ou entre les feuilles de la haie ? N’attendre rien mais simplement souhaiter : des fleurs, un orage, des fruits plus pleins, un visiteur, une nuit claire, que la pluie cesse de tomber, des enfants, pas de malheur ?

»    Eugène Savizkaya | extrait de « La Folie originelle » | Éditions de Minuit, 1991, p.63