Pas de malheur

«
Qu’est-ce qu’il faut faire? Attendre de mourir ? Ou chaque jour parcourir ce jardin dont les limites sont extrêmement précises, goûter l’eau, sentir le vent, se préoccuper de la réserve de charbon ou de bois, des mites qui détruisent les vêtements et des vers qui creusent les poutres, des lézardes qui transpercent les murs, de la croissance de tel faux acacia à la place où il fut planté? Attendre de mourir ou se soucier de l’air, de la forme de la maison dans laquelle on s’enferme pour la nuit, de chaque planche de cette maison, du moindre clou comme de la couleur du ciel, des mots des voisins par-dessus le mur mitoyen ou entre les feuilles de la haie ? N’attendre rien mais simplement souhaiter : des fleurs, un orage, des fruits plus pleins, un visiteur, une nuit claire, que la pluie cesse de tomber, des enfants, pas de malheur ?

»    Eugène Savizkaya | extrait de « La Folie originelle » | Éditions de Minuit, 1991, p.63

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