Christoph Prégardien

Extraordinaire concert de chant à Leut, la semaine dernière, avec le ténor allemand Christoph Prégardien, que je considère comme un des plus grands chanteurs que je connaisse. En fait je ne le connais que par l’enregistrement de Winterreise (Voyage d’hiver), le formidable cycle de Lieder de Schubert — ce qui n’est déjà pas si mal et cela me comble tellement que je n’avais pas encore pensé à écouter d’autres enregistrements de lui.
Sa voix est extraordinairement homogène, claire, à la fois douce et forte. Du grave à l’aigu, le timbre ne change pas, dépouillé de tout effet de couleur ou de dramatisation. Le seul artifice, si l’on peut dire, c’est le volume.
Je ne connaissais que mal le cycle de la Belle Meunière, die Schöne Müllerin, qu’il a chanté ce soir-là et cette découverte a été à la mesure de mes attentes. Prégardien transfigure la beauté des Lieder de Schubert en en soulignant la musculature ferme et élastique. Pas une once de graisse, mais un cliquetis poétique parfaitement calibré. Comme une scrutation vétilleuse de la mécanique de l’âme humaine par un horloger impitoyable mais juste.

Autre découverte étonnante : l’accompagnateur Michael Gees, pianiste partenaire, dynamique en diable, mais discret quand il le faut. Je ne connaissais pas l’oeuvre et ne saurais donc dire si ce que le pianiste a joué était exactement ce qu’a écrit Schubert, et je n’en doute pas d’ailleurs, mais si on me disait que de temps en temps il improvisait des passages, je n’en serais pas surpris, tant son jeu rayonne de spontanéité.

Cristoph Prégardien & Michael Gees
Tout ça à 10 minutes de chez moi ! Quand on voit le calendrier de concerts du chanteur sur son site, on mesure la chance que l’on a de le voir à Maasmechelen qui est bien mentionné, entre Tokyo, New-York et Londres !
Comme le concert se déroulait dans la petite église et non au château de Leut, et que je suis arrivé un peu tard, j’ai eu à souffrir au dernier rang de la réverbération naturelle de l’édifice. Comme souvent dans ces cas-là, je mets mes mains en coquille sur mes oreilles pour favoriser les ondes directes et filtrer le plus possible d’ondes réfléchies. C’est fatigant, mais ça marche bien, car l’image sonore obtenue « avec les mains en conques sur les oreilles » est beaucoup plus précise que sans.
J’ai cependant observé un phénomène curieux au fil du concert. Au début, la différence entre l’écoute avec ou sans les mains est très forte. Chaque fois que j’enlève les mains, la réverbération noie les détails. Dès que je remets les mains, c’est comme si je me rapprochais de 10 mètres du chanteur et tout redevient net. Mais curieusement après une quarantaine de minutes, cette différence paraissait de moins en moins sensible, comme si l’oreille s’habituait ou se fatiguait.

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