Voyager

Posté dans ÉCOUTER, MOTS par kerbacho - Date : septembre 8th, 2006
      « La vie privée des autres ne m’intéresse pas. Elle ne m’a jamais intéressé. Ce qui m’intéresse chez mon prochain, c’est son aptitude à inventer de nouvelles formes. Je me moque bien de savoir que Céline était un affreux antisémite (un trait pour lequel je n’ai aucune patience) il était avant tout un écrivain incomparable. Et ça c’est passionnant. Nul ne gagne à être connu. »
         Philippe De Jonckheere

Depuis quelques jours j’écoute au casque sur un baladeur MP3 de 6 Goctets, chaque fois et partout où je peux, de la musique et des textes lus à haute voix. Je précise six milliards d’octets, parce que ça fait beaucoup de MP3, dont par exemple tout Charlie Parker sur Riverside ou encore l’intégrale du Voyage au bout de la nuit, soit seize CD de Céline ininterrompu, dont j’ai transféré le contenu maladroitement dans un seul dossier sur le petit appareil. Curieusement, en raison sans doute de l’absence d’étiquettes ID3 convenables, les pistes et donc les fragments de chapitres sont lus dans dans le désordre.
Cette déstructuration accidentelle du Voyage est fascinante. Elle lui donne des allures de collage, mais pas trop quand même, car bien des sauts passent presque inaperçus ! D’autres sont cocasses, oulipiens, ou les deux. Ce qui domine, et qui frappe, ce sont la similitude de forme entre des passages pourtant très éloignés dans le livre (comme si Céline avait prévu le coup !) et la continuité de la musique, de la langue, du rythme obsessionnel de la pensée.

Voilà qui me fait repenser à une déstructuration d’un autre genre, délibérée celle-là. Il y a fort longtemps, j’avais participé à Strasbourg à un stage de musique électroacoustique avec René Bastian, Denis Muzet et un joueur d’échecs alsacien de haut niveau dont le nom ne me revient plus. Nous avions réalisé une pièce collective qui suivait le déroulement d’une partie d’échecs célèbre de Philidor* (1726-1795), jouée pendant l’entracte de Norma de Bellini, peut-être lors de la création en 1831 à la Scala de Milan, peu importe. Je ne me souviens plus précisément du lien historique entre la partie d’échecs et l’opéra.
Les cellules ou les objets sonores de la pièce électroacoustique étaient extraits de l’opéra, à chaque pièce du jeu d’échecs correspondait un motif musical, et les mouvement des pièces donnaient naissance à des transformations (accélération, transposition, hachage, renversement etc).

René Bastian avait affirmé qu’on pouvait faire ça avec la musique de Bellini, mais que ça ne marcherait pas avec la Flûte enchantée ou les Noces de Figaro.
Je n’en sais rien, mais deouis, chaque fois que j’entends un passage de Norma, notamment le fameux Casta diva, bien sûr par Maria Callas, j’entends en fait le montage électroacoustique que nous avions réalisé puis « joué » en public dans l’entrée de l’ancien et très laid** Palais Universitaire. Je m’égare.

Je n’aime pas voyager avec Mozart (sauf dans quelques oeuvres évidemment sublimes), mais voyager avec Céline…


*Son Analyse du jeu des Echecs (1749) a été réédité plus de cent fois
** Louis m’a expliqué un jour que Strasbourg devait la raideur, la laideur et la lourdeur de ces bâtiments, et de quelques autres, au Kaiser ou à Bismarck ou aux deux.

Lande

Posté dans REGARDER par kerbacho - Date : septembre 8th, 2006

Mechelse Heide – Maasmechelen – 6 septembre 2006 – vers 20 h