Voltaire, Adam et Ève, les Juifs et l’Inde

Posté dans HINDOUSTAN, MOTS par kerbacho - Date : novembre 29th, 2010

Voici ce qu’on lit dans le Dictionnaire philosophique de Voltaire, à l’article ÉZOURVEIDAM

Qu’est-ce donc que cet Ézourveidam qui est à la Bibliothèque du roi de
France ? C’est un ancien commentaire, qu’un ancien brame composa autrefois avant l’époque d’Alexandre sur l’ancien Veidam, [...].

Respectons, vous dis-je, tous ces anciens Indiens. Ils inventèrent le jeu des échecs, et les Grecs allaient apprendre chez eux la géométrie.

Cet Ézourveidam fut en dernier lieu traduit par un brame, correspondant de la malheureuse compagnie française des Indes. Il me fut apporté au mont Krapack, où j’observe les neiges depuis longtemps ; et je l’envoyai à la grande Bibliothèque royale de Paris, où il est mieux placé que chez moi.

Ceux qui voudront le consulter verront qu’après plusieurs révolutions produites par l’Éternel, il plut à l’Éternel de former un homme qui s’appelait Adimo, et une femme dont le nom répondait à celui de la vie.

Cette anecdote indienne est-elle prise des livres juifs ? les Juifs l’ont-ils copiée des Indiens ? ou peut-on dire que les uns et les autres l’ont écrite d’original, et que les beaux esprits se rencontrent ?

Il n’était pas permis aux Juifs de penser que leurs écrivains eussent rien puisé chez les brachmanes, dont ils n’avaient pas entendu parler.
Il ne nous est pas permis de penser sur Adam autrement que les Juifs. Par conséquent je me tais, et je ne pense point.

Voltaire dit se taire et s’interdire de penser ? Je n’en crois pas un mot, évidemment. Il fait mine de se conformer à l’idéal de l’Occidental imbu de sa supériorité, qui constatant la ressemblance entre Brahma et Abraham, ou entre Adimo et Adam, ne doute pas un instant du sens dans lequel s’est fait l’emprunt. Mais il n’en pense pas moins.

Ptose

Posté dans divers, MOTS, REGARDER par kerbacho - Date : novembre 27th, 2010

Le fait de voir en ligne cette photo pourtant familière me donne un regard nouveau. Je suis intrigué par exemple par les yeux « bridés » de ce garçonnet. Ses paupières lourdes, je les ai déjà vues quelque part. Dans mes archives je retrouve ces deux photos de ma grand-mère qui mettent fin à mon interrogation.

Curieusement, c’est le mot ptose qui me vient à l’esprit. Je connaissais ce mot par lequel on désigne en médecine la descente de viscères ou d’un organe à la suite d’un relâchement de leurs tissus de soutien, non pas que j’aie fait des études d’anatomie, mais on l’apprend en cours de grec. Or je l’ai lu très récemment, utilisé aussi à propos de paupières. Je ne sais plus dans quel livre ou article il en était question à propos de « paupières affaissées ».

Des paupières lourdes et des blondes aux « yeux bridés », il y en a d’autres dans la famille ! Il va falloir que je numérise la seule photo que je connaisse de Anna Siebert (1857-1928), la mère de mon grand-père maternel, elle aussi avait les paupières lourdes, et de tout petits yeux dont a d’ailleurs hérité son unique fils.

Frappante aussi est l’expression de Marguerite, son sourire ébauché, comme retenu, son port de tête incliné, le regard légèrement par en-dessous, autant de détails que l’on pourrait être tenté d’attribuer à la pose devant le photographe. Eh bien non, il suffit de regarder n’importe quelle photo de sa petite-fille Sabine pour y retrouver le même sourire, le même port de tête, le même regard.

Bhoop Mand

Posté dans divers, ÉCOUTER, HINDOUSTAN par kerbacho - Date : novembre 25th, 2010

Supposons que dans le champ de recherche de Google quelqu’un tape les mots « Bhoop Mand » qui sont les noms de deux ragas indiens. Dans la seconde il tomberait probablement comme je viens de le faire sur le lien suivant :
http://www.esnips.com/doc/1e58b343-47c5-4fd1-be79-c945ab1f6bed/Raag:-Bhoop-Mand-Ragmala
Imaginons qu’il ne clique pas sur ce lien, mais sur un autre. Il se passerait sans doute des tas de choses, mais celles-là ne m’intéressent pas.
Ce que j’aimerais savoir, c’est ce qui se passe quand on clique et qu’on télécharge et puis qu’on écoute jusqu’au bout et attentivement cet extrait du concert à Kolkata d’Ali Akbar Khan.

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R. Bhoop Mand | Ali Akbar Khan, sarod | en concert à Calcutta

Comment réagit-on, surtout si l’on n’est pas familier de ce genre de musique ? Et comment réagit-on quand on est familier mais qu’on entend pour la première fois les écarts, les digressions d’Ali Akbar Khan.

Ali Akbar Khan & Bahadur Khan
Ali Akbar Khan et son cousin germain (et néanmoins rival) Bahadur Khan

Moi j’ai cliqué (pour la première fois en août 2009) et le monde a changé, comme chaque matin quand le jour se lève. Sans retour. Pourtant j’écoute de la musique indienne et plus précisément le sarod de feu Ali Akbar Khan depuis… fort longtemps. Cependant l’émotion est à chaque fois intacte et peut-être même renouvelée. Ce qui change, c’est que j’ai l’impression de percevoir de plus en plus clairement que sa musique est le nec plus ultra. Comme Obélix, il a dû tomber dans la potion quand il était petit.

220 millions d’économies sur le budget de la culture aux Pays-Bas

Posté dans divers, ÉCOUTER, REGARDER par kerbacho - Date : novembre 23rd, 2010

Mais qu’est-ce qu’ils vont en faire, de ces 220 millions d’économies ?

Insolent Tolstoï

Posté dans divers, MOTS par kerbacho - Date : novembre 22nd, 2010

La lecture de Léon Tolstoï est une de mes expériences les plus mémorables, plus précisément ses oeuvres tardives La Mort d’Ivan Illitch ou Maître et serviteur.
L’écrivain russe né en 1829 est mort, il y a tout juste cent ans, le 20 novembre 1910.
Voici comment s’ouvre le dossier qui lui est consacré à cette occasion dans le dernier numéro paru du Magazine littéraire :

« Il y a une heure encore, j’étais en train de prendre des notes sur le journal intime de Tolstoï », raconte Roland Barthes le 16 septembre 1979, après avoir achevé son Journal de deuil, commencé près de deux ans auparavant avec la mort de sa mère. Malgré la blessure, malgré le chagrin, Barthes poursuit avec humour : « Tolstoï se moque des Français, qui parlent tout le temps de leur mère. »

Plus loin, l’écrivain Dominique Fernandez montre, avec quelques citations bien choisies de romans connus (la Guerre et la Paix) ou moins connus (Résurrection), comment Tolstoï est grand et subrepticement subversif par l’emploi du mot juste quand il se moque par exemple de rituels, sociaux comme l’opéra, ou religieux comme la messe.
« Au lieu de s’en prendre directement à la hiérarchie ecclésiastique et à sa collusion avec le pouvoir politique et policier, écrit Fernandez, il avait tranquillement, par la seule force du mot juste, signalé l’imposture du système.[...] Parodier la messe sans ironie affichée, blasphémer sans blasphèmes, de même que s’en prendre à l’État, à l’armée, être révolutionnaire sans prêcher la révolution ; semer le doute et le trouble par l’usage insolent («insolent» : qui ne respecte pas l’habitude) du vocabulaire ; rester calme face à ce qui est dénoncé, sans élever la voix, ne pas s’emporter, éviter tout effet déclamatoire, voilà qui définit à la fois la pensée et le style de Tolstoï. »

Oui, il faut lire Tolstoï, aujourd’hui plus que jamais, mais attention au choix de la traduction. Je ne lis le russe ni ne connais l’original des textes cités ci-dessus, mais la traduction (sans doute récente, par Nina Gourfinkel) citée par Dominique Fernandez semble autrement plus juste que celle, par exemple, que l’on trouve gratuitement ici. Voilà ce que donne la description de l’opéra retenue par DF :

« Au milieu de la scène, il y avait des planches unies ; sur les côtés, des tableaux peints représentaient des arbres ; et derrière, une toile était tendue sur les planches. Des demoiselles en corsages rouges et jupes blanches étaient assises au milieu de la scène. L’une d’elles, très grosse, à l’écart sur un petit banc, au dos duquel était collé un carton vert. Toutes chantaient quelque chose. »

Voici la même scène dans la traduction du début du XXe siècle disponible sur www.ebooksgratuits.com :

« Des décors figurant des arbres s’élevaient de chaque côté du plancher de la scène ; des jeunes filles en jupon court et en corsage rouge se tenaient groupées au milieu ; l’une d’elles, très forte, et habillée de blanc, assise à l’écart de ses compagnes sur un escabeau, était adossée à un morceau de carton peint en vert. Toutes chantaient en chœur. »

Dominique Fernandez souligne justement que Tolstoï, décri(v)ant l’opéra vu par les yeux d’une fille de la campagne, affecte de ne parler ni de « scène » ni de « décors », ce qui serait recourir à la connaissance intellectuelle du théâtre, mais de « planches » et de « toiles peintes » et de « carton vert ». Tolstoï ne parle pas non plus de « costumes », mais de « corsages rouges et de jupes blanches ». Il n’utilise pas les mots « actrices » ou « figurantes », mais parle de « demoiselles ». Il semble qu’en russe, Tolstoï ne parle pas non plus de « choeur », mais écrit quelque chose qui ressemble à « toutes chantaient quelque chose ».
Or la traductrice (anonyme) de la version gratuite tombe dans le panneau et croit devoir arranger cette gaucherie (feinte) et utiliser le vocabulaire approprié.

Le mot juste, certes oui, mais encore faut-il que le traducteur le comprenne et le trouve à son tour.

Je remercie ici la personne chère qui, en m’en offrant une version mémorable lue à haute voix, m’a fait découvrir le chef d’oeuvre qu’est la Mort d’Ivan Illitch.

Ritwik Ghatak – la maîtrise du cadrage

Posté dans divers, HINDOUSTAN, REGARDER par kerbacho - Date : novembre 21st, 2010

Images extraites du film Subarnarekha (le fil d’or) de Ritwik Gathak.














L’expressivité du visage de Madhabi Mukherjee est telle que l’on finit par se dire que pour rater un plan avec elle, il faudrait vraiment le vouloir.
Je doute que ce soit aussi simple. La caméra tenue par Dilip Ranjan Mukherjee doit y être pour quelque chose ! Et puis il y a tant d’éléments qui concourent à faire de ce film un chef-d’oeuvre. Le montage notamment.


La force de ce moment-clé du film où Seeta, le personnage joué par Madhabi Mukherjee, se tourne vers son frère et refuse de se plier à sa volonté, a été analysée ici. Je crois qu’en français on parle de faux raccord.



Madhabi Mukherjee et sa tanpura.
Plus tard dans le film, on verra le regard du frère sur le même instrument.


Abhi Bhattacharya & Madhabi Mukherjee


Superbe géométrie de l’image chez Ritwik Ghatak, comme en témoignent les trois dernières images ci-dessus, avec un découpage de l’écran en plans, et souvent une verticale centrale qui sépare les protagonistes ou au contraire un rectangle d’arrière-plan qui les encadre.









Entre les films de Ritwik Ghatak, Satyajit Ray, et Shyam Benegal, que de références communes (la musique, les scènes tribales, les gros plans, etc), que d’influences (mutuelles ou à sens unique, je l’ignore, faute de maîtriser les chronologies)…

Les films de Ritwik Gathak sur YouTube, en attendant d’acheter le DVD
Subarnarekha (Ritwik Ghatak, 1965)
Jukti, Takko Aar Gappo (Ritwik Ghatak, 1974)
Nagarik (sans sous-titres)
Voir aussi cette liste et bien sûr ma source privilégiée.

Maya, l’illusion

Posté dans divers, ÉCOUTER, HINDOUSTAN, REGARDER par kerbacho - Date : novembre 20th, 2010

Koi-Sunta Hai: Journeys with Kumar & Kabir (Someone is Listening) de Shabnam Virmani.
Un superbe documentaire de 98 minutes sur la rencontre de deux iconoclastes, le chanteur Kumar Gandharva et le poète Kabir.
Cette découverte me fait me réjouir doublement d’avoir enfin réussi à inviter pour l’an prochain un jeune chanteur de Pune, qui a mis tout son talent au service de la musique de Kumar Gandharva.

13 générations

Posté dans divers par kerbacho - Date : novembre 18th, 2010

Sur mon arbre généalogique (près de 1200 personnes, répertoriées par mon frère René), treize générations me séparent de mon ancêtre le plus ancien connu. Le plus proche est mon père qui aurait eu 99 ans aujourd’hui.
Un nombre qui me laisse pensif, au moins autant que celui du nombre de générations dont voici la chaîne : → Joseph M. mon père → Nicolas (Jean Nicolas) M. son père → Jean M. son père → Jean-Nicolas M. son père → Anna G. sa mère → Jean-Nicolas G. son père → Catherine M. sa mère → Christman M. son père → Marguerite K. sa mère → Tilman K. son père → Nicolas (Nickel) K. son père → Klaus K. son père → Jean K. son père, né vers 1490.
Nous voilà déjà au XVe siècle.
En ligne paternelle directe on ne remonte « que » au XVIIe : Joseph M. → Jean Nicolas dit Nicolas M. → Jean M. → Jean-Nicolas M. → Pierre M. → Barthelemy M. → Jean Georges M. → Henri M. → Henri M. → Martzel M.né en 1614.

Quel vertige quand je mesure la vitesse à laquelle les souvenirs s’estompent.
Cette photo date sans doute de 1957, avril 57, qui sait, peu après le 27, un jour de baptême peut-être… :-)

Elle me paraît déjà si lointaine qu’elle pourrait appartenir à la vie d’un autre.

Faux col

Posté dans divers, REGARDER, VOIR par kerbacho - Date : novembre 11th, 2010

Col - Pays-Bas - Photo d'Antoine A.

Col de Loomans – Pays-Bas – Photo Antoine A.

Badi Moti Bai

Posté dans ÉCOUTER, HINDOUSTAN par kerbacho - Date : novembre 8th, 2010

Je viens de tomber sur un enregistrement remarquable d’une de mes chanteuses préférées, Badi Moti Bai, jadis illustre interprète de thumri de Bénarès, dont seul un nombre limité d’enregistrements, malheureusement souvent de bien piètre qualité sonore, est parvenu jusqu’à nous.
Badi Moti Bai
Je résiste d’autant moins au plaisir de relayer ici la mise en ligne de ce bijou que non seulement la qualité de l’enregistrement est excellente mais surtout que le morceau lui-même est passionnant, dans le Raga Sindhura dont les interprétations n’encombrent pas nos étagères.

Clip audio : Le lecteur Adobe Flash (version 9 ou plus) est nécessaire pour la lecture de ce clip audio. Téléchargez la dernière version ici. Vous devez aussi avoir JavaScript activé dans votre navigateur.

Badi Moti Bai – Thumri – R. Sindhura [Aftab's Fall Collection 2010]