Trésors du qawwali d’avant le raccole ‘n roll

Posté dans divers, ÉCOUTER, HINDOUSTAN par kerbacho - Date : septembre 10th, 2010

Le qawwali popularisé en Occident par quelques vedettes, dont le fameux Nusrat Fateh Ali Khan dont j’ai appris récemment qu’il aurait été révélé dans nos contrées grâce à l’entremise de Kudsi Erguner, donne une bien piètre image musicale des ressources réelles de ce genre. Un mélomane pakistanais, détenteur d’excellents enregistrements faits par son père sur un magnétophone à cassettes Akai, de non moins excellents concerts privés (mehfil) donnés au Pakistan dans les années 60 à 80, les amis en ligne sur son blog. Il s’agit pour l’essentiel de Munshi Raziuddin et de ses fils. On y trouve aussi un concert remarquable donné en 1969 par les quatre maîtres (et cousins) Manzoor, Bahauddin, Munshi Raziuddin et Iftikhar, qui se produisaient alors ensemble au sein du Manzoor Ahmed Niazi aur Hamnava.

Manzoor Niazi
Rien de tel pour chasser l’idée que qawwal
= vociférations hystériques que l’écoute de ce qawwali d’avant le raccole’ n roll.

Maréchal-ferrant

Posté dans divers, MOTS, REGARDER, VOIR par kerbacho - Date : septembre 8th, 2010

Mon père était maréchal-ferrant et forgeron. Un métier déjà presque disparu à l’époque où je l’ai connu vers 1960 (avant je ne me souviens de presque rien). J’ai longtemps souffert (secrètement) du fait d’avoir un père dont le métier était obsolète. Je devrais dire plutôt que j’ai souffert de ne pas avoir à ma disposition, enfant, les outils intellectuels ou affectifs, les mots, les idées, qui m’auraient permis d’être fier de cette profession en ces années soixante naissantes où tous ne juraient que par la modernité du formica et du plastique, alors que lui était l’homme du fer. Les choses se sont heureusement arrangées petit à petit.

Sepp au cours de son service militaire dans une unité de dragons

Un des nombreux éléments qui m’ont aidé à construire voire à conquérir mon propre amour pour mon père, a été son récit (par étapes entre la fin des années 1970 jusqu’à la fin des années 1980), des choix et des décisions difficiles qu’il a dû faire pour sa profession. L’adolescent apprenti maréchal avait compris dès les années 25 que l’ère de la mécanisation et de la motorisation des outils agricoles était en marche, et que les chevaux ne tracteraient plus longtemps ni les chariots au fond de la mine de charbon, ni les charrues à la surface de la terre. Et qu’il lui fallait donc s’orienter vers la forge au service de la mécanique, technique d’avenir.

Du fait de la mort prématurée de son propre père et malgré ses aptitudes reconnues à manipuler le marteau devant l’enclume, son apprentissage s’est achevé dans des conditions difficiles, liées à son statut de garçon aîné, soutien d’une famille nombreuse orpheline.
Pas question de prolonger une formation pourtant prometteuse, l’appel des travaux de la ferme et des bouches à nourrir était le plus impérieux.

Un scénario analogue s’est joué quelques années plus tard, à la fin de son service militaire près de Lunéville, je crois bien, dans une unité de dragons, c’est-à-dire la cavalerie, époque dont pourrait dater cette photo. Un gradé vétérinaire, lui offrait l’occasion inespérée de rempiler pour se perfectionner, mais sa mère a exigé qu’il rentre et s’occupe d’elle et de ses frère et soeurs. Quand il m’a raconté cet épisode, plus de 60 ans après les faits, il restait dans sa voix des nuances d’amertume, voire de rage, nourries par la conviction toujours vive que sa vie n’avait pas pris ce jour-là le tour qu’elle aurait dû prendre.

Sepp dans les années 1960 au moment d'allumer son poste à soudure autogène

Un autre élément important de ma conquête de mon estime pour lui a été une remarque admirative à son sujet faite par Nicolas, mon grand-père maternel, l’homme du bois, un jour qu’il m’expliquait l’importance pour un menuisier de pouvoir confier l’affûtage de ses outils à un forgeron qui maîtrise l’art de chauffer au rouge le fer pour le tremper. Cette discrète mais explicite marque d’admiration pour son gendre m’a rendu en un éclair le père dont m’avaient trop longtemps privé les fantasmes de la propagande moderniste de la fraction intellectuelle de ma famille.

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Han

Posté dans divers, ÉCOUTER, ENTENDRE, MOTS par kerbacho - Date : septembre 6th, 2010

Parmi les musiques que j’aime, il y a celle des langues. Cet été, j’ai peu entendu parler néerlandais, suédois ou danois, mais beaucoup russe. Ce qui m’a fourni l’occasion de m’interroger sur l’origine de l’antipathie suscitée par cette langue ? De ce que j’ai lu sur l’URSS certainement (mais ce n’était guère mieux sous les tsars…). À quoi tiennent ces préjugés, l’attirance ou la répulsion pour :
- le c(r)oassement de l’anglais, traînant, nasal ;
- la musique enfantine du graillement américain, souvent sirupeux quand il est parlé par les femmes, souvent apnéique aussi ;
- la ritournelle ternaire de l’italien, le ricochet de ses voyelles claires, son débit sonore et chantant ;
- la scansion binaire de l’allemand, avec ses accents toniques prévisibles comme des coups de boutoir, ou le han du bûcheron ?

Han ! Han ! Je me souviens bien de ma stupéfaction d’enfant la première fois que j’ai entendu mon grand-père, homme modéré et mesuré s’il en est, à la silhouette frêle, pousser des hans d’une vigueur qui alors m’a paru prodigieuse. Cette interjection attestée dans le français écrit depuis 1552 (Rabelais) figure au dictionnaire. Pourtant quand j’entendais mon grand-père, français germanophone, la pousser la hache ou la masse à la main, j’avais l’impression d’entendre une autre langue. Ou une formule magique. Ni le « h », ni le « an » ne ressemblaient à aucun autre mot ou son connu de moi. Il semblait en transe, Nicolas, et l’onomatopée, comme une formule magique, paraissait décupler ses forces.

L’homme sans tête | Insel Hombroich (9)

Posté dans divers, REGARDER, VOIR par kerbacho - Date : septembre 1st, 2010

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Commentaire proposé par Vincent le 1er septembre 2010 : « ça me fait penser à la vidéo The Reflecting Pool de Bill Viola : »

Je ne connaissais pas. Merci. Ce rapprochement inattendu est injustement flatteur pour moi. Ma modeste photo ne fait évidemment pas le poids à côté des superbes et subtiles créations de Bill Viola. Avais-tu vu An Ocean without A Shore à la Biennale de Venise en 2007 ?