Han

Parmi les musiques que j’aime, il y a celle des langues. Cet été, j’ai peu entendu parler néerlandais, suédois ou danois, mais beaucoup russe. Ce qui m’a fourni l’occasion de m’interroger sur l’origine de l’antipathie suscitée par cette langue ? De ce que j’ai lu sur l’URSS certainement (mais ce n’était guère mieux sous les tsars…). À quoi tiennent ces préjugés, l’attirance ou la répulsion pour :
- le c(r)oassement de l’anglais, traînant, nasal ;
- la musique enfantine du graillement américain, souvent sirupeux quand il est parlé par les femmes, souvent apnéique aussi ;
- la ritournelle ternaire de l’italien, le ricochet de ses voyelles claires, son débit sonore et chantant ;
- la scansion binaire de l’allemand, avec ses accents toniques prévisibles comme des coups de boutoir, ou le han du bûcheron ?

Han ! Han ! Je me souviens bien de ma stupéfaction d’enfant la première fois que j’ai entendu mon grand-père, homme modéré et mesuré s’il en est, à la silhouette frêle, pousser des hans d’une vigueur qui alors m’a paru prodigieuse. Cette interjection attestée dans le français écrit depuis 1552 (Rabelais) figure au dictionnaire. Pourtant quand j’entendais mon grand-père, français germanophone, la pousser la hache ou la masse à la main, j’avais l’impression d’entendre une autre langue. Ou une formule magique. Ni le « h », ni le « an » ne ressemblaient à aucun autre mot ou son connu de moi. Il semblait en transe, Nicolas, et l’onomatopée, comme une formule magique, paraissait décupler ses forces.

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