Il Combattimento di Tancredi e Clorinda

Posté dans divers, REGARDER par kerbacho - Date : juin 1st, 2006

Soirée de théâtre musical à Maasmechelen : Monteverdi revisité par Erwin Mortier et la troupe anversoise Walpurgis.
De très beaux moments, mais l’ensemble aurait pu être plus convaincant, plus cohérent. Malheureusement je n’arrive pas à mettre des mots sur ce qui manquait.
Dans ma tête, comme d’habitude, une foule de rapprochements, toujours fascinants. La scène d’ouverture par exemple, sur fond de sons électro-acoustiques de bonne facture, où l’on voit quatre cadavres contorsionnés (représentés par les acteurs) évoque les scènes d’animaux immolés au début du film Le Temps du loup, vu hier soir. Cela évoquait aussi Régi, le spectacle de Boris Charmatz vu il y a une quinzaine de jours, dans la même salle, plus radical, plus fort, mais pas vraiment abouti non plus (il faudra que je prenne le temps de noter ici mes impressions sur ce spectacle avant qu’elles ne s’évanouissent).

Deux des personnages dont Clorinda portent pendant presque tout le spectacle des cuissardes aux bras, ce qui leur donne une force étonnante. Gestes hiératiques, dramatiques, attitudes stylisées par la seule présence des chaussures au bout des bras. On pense aux hybrides (Minotaure, Horus, faune, homme-cerf, Icare etc), aux techniques de collage surréalistes (Max Ernst bien sûr). Ce détail m’a aussi fait penser à un collage rigolo de Tomi Ungerer où il met des chaussures à talons à un poulet déplumé sur un plateau. Il y a quelques semaines, en feuilletant avec Luz (4 ans) Le Géant de Zéralda (livre d’enfant de T. U.) , je me suis aperçu que dans une scène de ripailles de l’ogre, on voit le même poulet avec des chaussures à talon.

Je suis aussi impressionné par les trouvailles que ne cessent de faire les danseurs pour renouveler leurs gestes. Ici de très beaux enchaînements à deux corps à partir de mouvements hautements improbables. Les corps s’affrontent et se malmènent nonchalamment. La moquerie se lit à plusieurs reprises sur le visage du danseur, et ça m’a dérouté. L’expression des danseurs est une chose curieuse, car elle interfère avec leurs gestes. Qu’est-ce donc qui fait que le spectateur (occidental) ne s’attend pas à ce que le visage d’un danseur (occidental) soit expressif ? Creuser la question…

Je me demande bien quel rapport cette image peut avoir avec le spectacle auquel elle est associée.

Un autre détail très réussi : les costumes. Outre les bottes en cuir sur les bras, j’ai apprécié aussi les vêtements des deux danseurs dans la première partie : sur leur pantalon et leur chemise (de couleur blanche) est représenté un corps un peu plus petit que le leur. Un peu comme une armure qui au lieu d’être autour du corps serait en-dedans. Très bien vu.

Points faibles de la représentation : le décor (un écran, avec quelques images d’un paysage quasi désertique, à mon avis sans intérêt, plus un autre écran pour permettre aux spectateurs de suivre le texte chanté – ça casse la poésie), le sol (des plaques (de cuivre ?) dont je m’attendais à ce que l’éclairage tire quelque chose d’intéressant, mais il ne s’est rien passé).
La plus grande déception est venue du texte, à peu près incompréhensible ou plutôt inintelligible pour moi. Diction trop rapide ? Mauvaise amplification ? Voilà ce qui se passe quand on amplifie (mal) la voix d’un acteur avec un micro. Il est probable que sans ce mauvais artifice j’aurais bien mieux compris.
Dommage, car j’y allais en partie pour le texte écrit par Erwin Mortier.

Point fort : à la fin de l’aria finale de Clorinda, j’avais les yeux fermés. Je n’ai donc pas vu qu’au moment où elle chante sa dernière note, un acteur l’empoigne et la porte vers le fond de la scène. Mais je l’ai entendu, car le timbre de la voix de la chanteuse a été légèrement altéré. Détail acousmatique sublime !

A faire : numériser le collage et le dessin de Tomi Ungerer et l’envoyer à la troupe.

La cerise sur le gâteau : parmi le public essentiellement composé de couples de retraités abonnés (les mêmes qui viennent au château aux concerts indiens) j’ai reconnu notre voisin à qui nous n’avons pas parlé plus de dix fois en vingt ans. Il va falloir que ça change !