Débloque-notes

Ce ne sont pas les bons musiciens qui manquent dans la jeune génération, mais il n’est pas toujours facile de les repérer ne serait-ce que parce que leurs noms se ressemblent tant.

Supratik Sengupta est un superbe sitariste à en juger par cet enregistrement en concert de Raga Lalit. Le signal audio est de piètre qualité mais cela vaut le coup de suivre, ne serait-ce que pour la rareté de Lalit en concert. Un raga difficile, traité ici avec rigueur et sensibilité. Il y a beaucoup de très beaux moments.

Alap – On remarquera la maîtrise parfaite des meends dans le registre grave (à condition de ne pas fixer son attention sur les parasites) et l’atmosphère paisible créée par le musicien. Malheureusement, juste au moment où on se dit que l’étrnité pourrait commencer, c’est la fin du clip.

Jod – Impressionnant passage dans l’aigu, avec les grands intervalles disjoints, caractéristiques de Lalit. L’ensemble laisse une impression de forte densité et d’équilibre.

A plusieurs reprises déjà au cours de mon long flirt avec la musique classique indienne, j’ai eu la sensation désagréable d’avoir atteint la saturation. Chaque fois le hasard de rencontres m’a permis de passer ce cap de la résignation, pour découvrir de nouveaux horizons, plus riches, plus vastes et encore plus prometteurs.
Et chaque fois le cycle recommence, non seulement mon intérêt est relancé, mais pas ma passion est décuplée. Avec l’internet et le courrier électronique, et grâce à la générosité de certains collectionneurs, de nouvelles perspectives s’ouvrent sans cesse, notamment grâce aux archives pakistanaises de Dr. Ashfaq Khan et de quelques autres, coordonnées par sarangi.info. Jamais je n’aurais par exemple espéré trouver autant d’enregistrements (de concerts) d’un de mes instrumentistes préférés (sitar et vicitra veena, une combinaison magique, qui s’entend dans la fluidité — on voudrait dire de la liquidité — de son jeu de sitar), bien trop peu connu en Occident, Mohammed Sharif Khan Poonchwale.

A ce sujet, je recommande le Ragamala sur le site sarangi.info avec le délicieux et finalement assez compréhensible commentaire parlé — en urdu je suppose, ou en farsi ? — de Khurshid Anwar que je ne me lasse pas d’écouter, ne serait-ce que pour la musique des mots et plus particulièrement de la terminologie musicologique. Mais aussi bien sûr pour les excellentes démonstrations par des chanteurs pakistanais.
En alternance avec les programmes de France-Musique de Patrick Moutal, c’est le meilleur remède que je connaisse à toutes les formes courantes de déprime, mal de vivre, spleen et autres bobos de mois de juin glacial.

Outre le concert de Kushal Das le 17 mai à Bruxelles, déjà annoncé ici, je suis heureux de constater que les annonces de concerts fleurissent tout d’un coup :
Sahana Banerjee jouera à Paris avec Prabhu Edouard au Musée Guimet le 16 mai. En m’annonçant ce concert dimanche, Sahana me disait qu’elle travaillait beaucoup son sitar en ce moment. Les amateurs seraient donc bien avisés de noter cette date dans leur agenda. Et de se rendre au Musée Guimet s’ils peuvent. Je ne pourrai malheureusement pas.

Quelques jours plus tard, à Bruxelles, se produiront deux musiciens carnatiques remarquables :

le duo de violonistes connu sous le nom de Mysore Brothers sera le 21 mai à l’Espace Remua 36 rue du Métal à 1060 Bruxelles à 20h00, accompagné au mridangam par Neyveli B.Venkatesh et à la kanjira par Herbert Lang.
J’avais essayé moi-même cet hiver de mettre quelque chose en place pour permettre à ces musiciens de se produire en Belgique, mais faute de temps et sans doute de niaque je n’y suis pas arrivé. Je suis donc d’autant plus heureux que Béa, plus coriace que moi, ait fini par mettre en place ce concert que je recommande chaudement.
Je n’ai pas encore entendu les deux frères Nagaraj et Manjunath ensemble, mais la musique de Manjunath a attiré mon attention sur un CD du chanteur Sanjay Subrahmanyam que j’aime beaucoup. Je veux dire que j’aime beaucoup Sanjay (découvert grâce à une vidéo sur le site ITC-SRA d’où elle a disparu, je crois), mais aussi ce CD en particulier. Après l’avoir souvent écouté, puis analysé pour essayer de comprendre pourquoi cet enregistrement-là me plaisait plus qu’un autre, j’ai compris que l’accompagnement du violoniste y était pour une grande part. J’ai toujours été fasciné par ces accompagnateurs qui savent mettre en valeur le soliste au point de se rendre indispensables. Dans un genre tout différent (ou peut-être pas tant que ça), je pense à McCoy Tyner, le pianiste de John Coltrane).
Une autre raison de faire le déplacement pour aller écouter le violon carnatique de Mysore Manjunath est ce que m’en a dit l’excellent et exigeant Tejendra Majumdar avec qui il a enregistré en duo chez SenseWorld un CD que je n’ai pas encore entendu. J’ai pu constater lors d’un échange avec Tejendra au sujet de ses duos récents avec des musiciens carnatiques (il a joué cet hiver à Kolkata avec le joueur de veena Ravikiran et Anindo Chatterjee au tabla) que mon sarodiya préféré, qui pourtant ne joue pas volontiers de la brosse à reluire, porte apparemment le violoniste Dr Manjunath (sans doute plus jeune que lui) en très haute estime.
D’autres concerts son annoncés. Deepa Remy organise une nuit du raga le 20 juin au cinéma l’Arlequin à Paris (programme encore inconnu), et, last but not least, un concert que je ne raterai pas : la sitariste Mita Nag joue à Aachen au Suermondt Ludwig-Museum le 30 mai avec Saibal Chatterjee au tabla.

Kushal Das s’est déjà produit plusieurs fois à Bruxelles, au Healthy Forum en 2000, puis en double concert avec Samar Saha au tabla et Tejendra Majumdar à la Tentation, en 2001, enregistré et diffusé sur Klara par Paul Rans.
Puis vinrent le concert mémorable dans la la cuisine de Cathy Zeroug à Bruxelles et des concerts à Anvers au Zuiderpershuis et à Leut au Kasteel Vilain. Il me semble que Kushal est l’un des musiciens indiens pour lesquels je me suis le plus décarcassé pour tenter de lui revaloir les fortes émotions que sa musique m’a procurées.

Il sera de nouveau en concert à Bruxelles le samedi 17 mai 2008 à l’école de musique indienne de la rue Locquenghien. Je ne suis pour rien dans l’organisation de ce concert, mais j’y serai probablement (s’il reste de la place, car le local n’est pas bien grand : réservation recommandée au 02.217.73.07).

Balaram Pathak avec son fils Vinode Pathak au tabla

R. Pilu       alap        gat  -  sitar – Paris 1986

R. Bhairavi      alap       gat  -  sitar – [AIR 1978 ?]

(photo: Antoine Meyer)

Sans doute le plus belge des concerts que j’aie organisé à ce jour ! Cela se passait à Bruxelles, dans la cuisine exiguë d’une personne qui participait cette année-là au projet ‘Musique en appartement’ lancé par Muziekpublique.
Kushal Das s’était prêté au jeu sans broncher en jouant comme prévu trois fois une demi-heure pour trois publics différents (d’une vingtaine de personnes à chaque fois). Je crois me souvenir que finalement tout le monde avait été ravi, malgré la promiscuité, l’inconfort et le désagrément causé par l’arrivée très remarquée d’une équipe de TV, avec preneur de son et éclairagiste.