Gestes (16)

Posté dans ÉCOUTER, HINDOUSTAN, REGARDER par kerbacho - Date : février 15th, 2009


Après le beau concert de Homayun Sakhi, je suis retombé sur un numéro de National Geographic consacré à l’Afghanistan. Quel contraste entre le barbouillage de couleurs sur la scène de l’Espace Senghor et la monochromie bistrée des photos du magazine !

Comment se déroulent les concerts là-bas ? Y en a-t-il encore ? De toute évidence, le musicien et son accompagnateur au tabla (dont le nom n’a pas été prononcé) sont familiers des scènes de concert occidentales, comme en témoignent notamment la grandiloquence appuyée des mouvements de tête du joueur de rebab, ainsi que le grand nombre de Jawal Sawab (dialogue par imitation entre instrument soliste et tabla).
J’ai entendu que la mise en place de cette tournée avait été laborieuse, tant Homayun Sakhi est sollicité en tant que musicien professionnel aux Etats-Unis où il vit, et où il vient d’ailleurs d’enregistrer avec le quatuor Kronos. Belle consécration.

Je ne sais pas s’il faut se réjouir de constater qu’un concert de musique afghane attire une centaine de personnes à Bruxelles ou s’il faut au contraire déplorer qu’il n’en attire pas plus. J’ignore si le quatuor Kronos s’est jamais produit à Bruxelles, mais ce serait probablement dans une bien plus grande salle.

Chaque fois que je revois un rebab, ce qui me frappe au moment où l’instrument quitte le giron du musicien quand celui-ci cesse de jouer, c’est à quel point cet instrument est beaucoup plus profond que ne le laisse imaginer sa façade étroite. Cette sensation de lourdeur monolithique m’a frappé lorsque j’ai essayé de prendre en main un sarod. L’instrument est si lourd et si encombrant qu’il vous échappe des mains !
Ce n’est pas pour rien qu’en organologie on range ces instruments dans la famille des luths à manche court, par opposition au sitar par exemple qui appartient à la famille de luths à manche long.
Quand il évoque l’histoire et les origines de son instrument, Buddhadev Dasgupta ne manque jamais d’insister sur cette caractéristique physique du sarod, fait d’une seule pièce de bois, introduit en Inde, selon lui, par des mercenaires afghans à cheval. Un instrument à manche long construit à partir d’une calebasse n’aurait jamais résisté aux cahots du voyage.

A la fois le profil triangulaire et la robustesse du rebab me font inévitablement penser aux incassables noix du Brésil, dont je viens de découvrir grâce à la photo ci-dessus, qu’elles ne poussaient pas telles quelles au bout des branches, mais qu’elles étaient elles-mêmes réunies dans des coques apparemment épaisses et dures.

En regardant le joueur de rebab, je suis frappé par l’angle improbable formé par sa main droite qui tient le plectre au bout d’un bras presque tendu. Sur la photo ci-contre le musicien est au repos et l’angle est donc moins aigu que pendant qu’il joue. Je suppose que cette position favorise l’attaque bidirectionnelle des cordes par le bas. C’est beau et sans doute efficace pour le maniement ultra-rapide du plectre, mais bonjour les tendinites et les douleurs articulaires !

Le geste existe également chez les joueurs de sarod, mais il est un peu moins marqué. L’air de famille entre la musique de rebab et la musique de sarod est plus qu’évident. On peut se demander dans quelle mesure d’ailleurs le jeu du rebab moderne tel que le pratique Homayun Sakhi n’a pas été enrichi par les techniques du sarod.

voir Gestes (15)

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Buddhadev Das Gupta & Monir Hossain

Posté dans divers par kerbacho - Date : décembre 10th, 2008

Je sais que beaucoup d’amateurs de musique indienne détestent ce style. Moi pas.
A cette époque Buddhadev Dasgupta était sans doute au sommet de son art, avec ce jour-là un jeune accompagnateur à la hauteur du défi, mais qui ne cherche nullement à faire la vedette. D’ailleurs le soliste lui laisse beaucoup de champ.

Raga Kamod – Live Ann Arbor, MI – 18 Aug 1997

Malgré la mauvaise qualité de l’enregistrement, le jeu de tabla reste parfaitement clair et bien assorti au style si particulier du sarod de Buddhadev Dasgupta, lardé de techniques de rabab.
Dans le deuxième extrait, la corde de jeu casse deux fois. Pas étonnant avec la vigueur du jeu de sa main droite !

Avec un peu de concentration (il en faut, d’accord) on peut, même sans être un spécialiste, percevoir et goûter la complexité des coups de plectre et de l’élaboration rythmico-mélodique. Les fameux tihai-s sont casse-gueule et BDG les enchaîne à une cadence peu commune.

Cette musique hautement cérébrale, j’en conviens, acquiert dès lors une dimension matérielle, concrète, voire charnelle. Quel ferraillage !
On notera que ces deux musiciens sont ingénieurs. L’un à la retraite depuis une vingtaine d’années, l’autre actif à la NASA aux États-Unis.
« Tu vois, je te l’avais bien dit, ça s’entend, ce ne sont pas des musiciens…! »

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Nandalan Ghosh, sarod

Posté dans divers, ÉCOUTER, HINDOUSTAN par kerbacho - Date : décembre 9th, 2008

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  Alap

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  Ladant

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  Gat – vilambit

Nandalan Ghosh, sarod – Raga Tikak Shyam – AIR Delhi 1989

Un des traits caractéristiques du style de Buddhadev Das Gupta qui m’ont frappé dès la première fois que je l’ai entendu est la forme particulière qu’il utilise à la place du jhalla (un élément du style instrumental de la musique hindoustanie que je trouve souvent insatisfaisant). Cette technique consiste grosso modo à utiliser les cordes mélodiques elles-mêmes pour y jouer les notes du bourdon, répétées rapidement, entrelacées avec les notes de la mélodie. Alors que le jhalla traditionnel consiste à utiliser pour cela les cordes d’accompagnement (cikari), ce qui chez beaucoup d’instrumentistes débouche, à mon sens, sur une bouillie sonore de peu d’intérêt.
Voici un musicien peu connu, certainement en Occident, enregistré à la radio de Delhi, qui utilise lui aussi le larant, mais de manière sensiblement différente de celle de Buddhadev Das Gupta. On peut conjecturer que ce joueur de sarod a été formé ou influencé aussi par Radhika Mohan Maitra.
Il me semble avoir vu sur la toile des traces de son fils, musicien actif (?) à Pondichery.

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Ali Akbar Khan & Julian Bream

Posté dans ÉCOUTER, HINDOUSTAN, REGARDER par kerbacho - Date : juin 6th, 2008

Google et YouTube peuvent être de formidables machines à remonter le temps.
On y fait des découvertes stupéfiantes.

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Si j’ai bien compris, cette rencontre a eu lieu peu avant 1963.

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Sharan Rani (1929 – 2008)

Posté dans ÉCOUTER, ENTENDRE, HINDOUSTAN, REGARDER par kerbacho - Date : mai 26th, 2008

Le 8 avril 2008, veille de son 80e anniversaire, décédait la joueuse de sarod Sharan Rani.
Disciple d’Ustad Allaudin Khan et d’Ustad Ali Akbar Khan, elle a été la première musicienne à jouer du sarod en concert, avec une maîtrise totale qui lui a valu le surnom de Sarod Rani (reine du sarod). Elle a joué partout dans le monde et notamment en France. Reste-t-il quelque part en France des traces de cet apparition sans doute éphémère ?…
Oui, grâce à Google, j’ai trouvé ceci :
Sharan.jpg
Made in France – original sixties – flip back cover
Faiyaz Khan: tabla / Tapati Choudhuri:tampura /
raga yaman kaylan / Solo de tabla / Raga bhairavi / Yaman kaylan raga / Tabla solo / Bhairavi raga /

Un LP de Sharan Rani, qu’on trouve en France ! Et il aura fallu qu’elle meure pour que j’en découvre l’existence.

SharanRani1955.jpg

En regardant ces images, la taille de son sarod me frappe, il semble sensiblement plus grand que les instruments habituels.
On se souviendra d’elle aussi pour sa collection de 450 instruments léguée au National Museum de Delhi et son travail de pionnière, puisqu’elle a été la première femme instrumentiste à recevoir le titre de Padma Shri en 1968, suivi quelques années après par le Padma Bhushan sans parler des autres innombrables distinctions. Elle parle de ses difficultés spécifiques avec beaucoup de simplicité dans un entretien étonnant (de plus de 60 mn) que j’ai trouvé ici et que je recommande vivement.

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Gestes (13) – Buddhadev Dasgupta

Posté dans HINDOUSTAN, REGARDER par kerbacho - Date : mars 28th, 2008

Avant d’entrer en studio pour un entretien en direct avec Didier Mélon, la veille de son concert à Bruxelles en 2002 avec Muziekpublique, nous patientions avec Buddhdadev-ji dans le patio sympathiquement vieillot de la radio nationale belge ; Antoine en a profité pour prendre cette photo que j’adore pour son format carré, ses couleurs et surtout parce qu’elle exprime à merveille le mélange unique d’autorité et d’humble bonhommie, de confiance totale et de discrète retenue, de savoir immense et de sincère curiosité de cet homme à qui je dois mes plus fortes émotions intellectuelles (oxymore !) en musique indienne. Et bien davantage !
Buddhadev Dasgupta relaxing - Photo Antoine Meyer

Quelques instants plus tard, pendant l’émission, concentration totale et instantanée. Dans la série Gestes, remarquer au passage l’angle si particulier de la main droite des joueurs de sarod.

Buddhadev Das Gupta pendant l'émission - Photo Antoine Meyer

Voir Gestes (12)

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Buddhadev Das Gupta vient d’avoir 75 ans. Salut l’Artiste !

Posté dans HINDOUSTAN, REGARDER par kerbacho - Date : mars 1st, 2008


Cette photo de Buddhadev a été prise à l’aéroport de Bruxelles en septembre 2002, le jour de mon propre anniversaire, au moment où nous nous quittions, très émus chacun… par l’émotion de l’autre.
Buddhadev partait pour les Etats-Unis, rejoindre son fils Anirban, après avoir donné à Bruxelles un concert, assorti de deux émissions de radio, l’une en direct (!) chez Didier Mélon (RTBF 1) (Antoine, mettras-tu en ligne la belle photo que tu avais faite de Buddhadev-ji avec son sarod pendant la pause café avant l’émission ?), et l’autre, non moins inoubliable, chez Paul Rans (Klara), avec Johann van Acker, enregistrée mais largement censurée au montage sous prétexte que le musicien ne répondait pas aux questions et ne parlait que de ce qui lui paraissait important).

Aucun des protagonistes de cette rencontre exceptionnelle n’est près d’en oublier l’intensité.

Prattyush Banerjee vient de m’informer de la mise en ligne du site www.buddhadevdasgupta.com (encore en travaux) en hommage à son maître, à l’occasion de ce 75e anniversaire.

Buddhadev est de ces musiciens avec lesquels je me suis senti bien d’emblée, en dépit ou peut-être en raison de la complexité et du caractère résolument cérébral de sa musique. A l’absence de pathos dans son art correspondent une densité formelle et une richesse du discours musical qui le rendent exigeant pour l’auditeur autant (ou presque) que pour le musicien lui-même.

Buddhadev’s style, though firmly anchored in tradition, is unique in that it combines a cerebral approach to music with a keen aesthetic sense and a rare accuracy of notes. His imagination always stays linked to the time-honoured spirits of the melody and never deviates to the point of being an aimless collection of purple patches catering to the lighter tastes of the gallery. Like his illustrious Guru, he is a seeker of wonders and surprises within the boundaries of tradition. Having struck a perfect balance between gayaki and tantrakari, Buddhadev, through his thorough raga conception, pin pointed note accuracy, rabab based bol patterns and fluent ekhara taans, of which he is the pioneer, have added a new dimension to his parent style of playing the sarod.
He is a unique musical personality standing out in the vast crowd of Indian musicians for his distinctive way of musical thinking, and a style which is instantly recognisable as totally his own.

Avec pile un mois de retard : Happy Birthday to Buddhadev Das Gupta!

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