Rue Saint-Blaise

Posté dans REGARDER, VOIR par kerbacho - Date : décembre 18th, 2007

J’ignore si cette photo a été prise dans une autre rue de Behren ou bel et bien dans cette rue Saint-Blaise où j’ai vécu enfant, heureux, pendant quelques années à la fin des années cinquante et au début des années soixante. Peu importe, elles se ressemblent toutes, même si l’ample U de cette rue-là était mon terrain de jeu préféré. Le béton frais et lisse du centre commercial était mon paradis de patineur à roulettes borné par de solides poteaux métalliques autour desquels il faisait si bon tourner.
J’y ai découvert un monde fait, je m’en souviens très bien, en proportions inégales d’Algériens disparates et souvent dégingandés, d’Ukrainiens, tête un peu carrée, cheveux blonds, taillés à la brosse, de Berbères, visages des femmes tatoués au menton et au front, d’Italiens et surtout d’Italiennes que j’entends encore, à l’heure de la soupe, passer leur tête par la fenêtre pour appeler à la cantonnade leur progéniture aux prénoms pour moi exotiques « Roooooosa, Angeliiiiiino », d’Allemands, de Polonais, de Marocains,… en fait, je ne sais plus très bien… D’ailleurs à l’âge de cinq ou six ans, j’étais persuadé qu’eux étaient tous nés sur place, qu’ils étaient bien chez eux ici et que c’était moi l’étranger, campagnard venu du village voisin.

La claque, je la prends ce soir, en lisant la légende de cette photo et des autres de Rip Hopkins (merci Ant1) :

« Behren-lès-Forbach est la plus pauvre des 500 villes les plus pauvres de France – [...] cette ville où :
- 100 % des mineurs sont au chômage ou en préretraite ;
- 30 % d’entre eux ont voté Le Pen au premier tour de la présidentielle de 2002 ;
- 65 % de la population a moins de 25 ans ;
- 70 % des jeunes sortent de l’école sans diplôme ;
- 50 % d’entre eux sont au chômage ;
- 800 voitures ont brûlé depuis septembre 2005, quand les émeutes ont éclaté ici, un mois avant celles de Clichy et du reste de la France.»

Décidément, personne jamais ne s’est enrichi sans que quelqu’un quelque part ne se soit appauvri.