Vu sur la toile cette annonce:
J’en reste sans voix.
Hier soir vers 23h30 la sonnerie du téléphone retentit une fois sans suite. Je décroche quand même. Rien. J’attends un peu. Rien.
Je compose le 1919 qui en Belgique donne automatiquement le numéro du dernier appel reçu : 089 24 53 52. Apparemment un numéro du coin, mais inconnu de nous.
D’après l’annuaire inverse le nom de la personne qui a appelé est Dulazar.
Sepp dans sa forge – Kerbach – 1987
Le jour où j’ai fait cette photo, Sepp retrouvait sa forge pour la première fois depuis des mois après l’accident de Mathilde.
Il m’a raconté plus tard à quel point il s’était senti revivre ce jour-là, heureux de faire du feu, de sentir à nouveau la chaleur du fer rouge dans une main et le marteau rebondir sur l’enclume dans l’autre, heureux en un mot de pouvoir se défouler pour oublier sa détresse et la disgrâce implacable de Mathilde.
Cet épisode très court préfigure la renaissance patiente et courageuse qui suivra quelques mois plus tard, à partir du retour de Mathilde dans sa maison.
Je suis heureux d’avoir pu partager cet instant avec lui et pas mécontent d’avoir eu la présence d’esprit et le culot (étonnant en ces circonstances) de le fixer sur cette photo. Je m’en souviens comme d’une belle leçon d’optimisme de la part d’un homme qui dans sa vie a su rebondir à chaque coup du destin, à commencer par la perte de son propre père à l’âge de 14 ans.
Le 18 novembre 2005 Sepp aurait eu 94 ans.
« Le plus simple écolier sait maintenant des vérités pour lesquelles Archimède eût sacrifié sa vie. »
Joseph Ernest Renan (1823 ~ 1892)
Au lieu de regarder le journal télévisé ou de feuilleter un magazine avec des photos de Sarkozy, on peut lire « Qu’est-ce qu’une nation ? » (Conférence faite en Sorbonne, le 11 mars 1882). Il n’y est pas question d’autos qui brûlent, mais ça tient chaud quand même.
Mathilde (de dos), Sara, Sepp, Vincent – Kerbach – 1981?
Mathilde fait la vaisselle pendant que Sepp finit son dessert. Sara porte encore sa serviette en bavoir, Vincent un collier.
On voit au fond le portrait de Benoît peint par René, à travers la porte vitrée sur le mur nord du salon.
En écrivant ces mots je comprends tout d’un coup pourquoi je suis si sensible à l’orientation des pièces d’habitation. Pendant mon enfance, j’ai souvent entendu parler de la mauvaise orientation de notre maison que nous adorions pourtant tous, justement pour son orientation ou plus exactement pour la vue panoramique depuis la cuisine et la salle à manger, les deux pièces où l’on se tenait le plus. Le salon était souvent glacial en hiver, parce que tourné au nord. Du fait de l’absence de voisinage immédiat et d’isolation, les façades nord et est de la maison étaient exposées aux vents dominants.
Je croyais avoir mis cette photo en ligne depuis longtemps. Elle a dû s’égarer lors de mes mésaventures avec WP.
Ecoduct – Maasmechelen – novembre 2005
Je me suis tronqué hier, ce n’est pas un tunnel, c’est un écoduct !
A cet endroit précis existait jusqu’à l’an dernier une sortie d’autoroute jamais achevée (comme tant d’ouvrages d’art en Belgique). Elle était censée conduire à un aérodrome de l’OTAN, caché dans la lande à quelques centaines de mètres de là, plus ou moins abandonné depuis la fin de la guerre froide, vaguement réactivé à l’époque de la présidence de Ronald Reagan.
J’y allais un temps pour faire du patin à roulettes en pleine forêt. Un jour j’y suis tombé nez à nez avec une énorme mouche verte. Effrayante. J’espère que c’est le seul bombardier que j’aurai jamais vu de ma vie.
J’imagine qu’on va utiliser les gravats de la démolition de cette piste (très longue, pour les bombardiers bien sûr) pour combler le vide au-dessus de l’ecoduct et permettre aux mulots d’aller à la côte, ou aux crabes de venir se tremper les pinces dans la Meuse.
Il faudrait évidemment se réjouir de ces belles initiatives écologiques, mais leur absurdité me gâche le plaisir. J’aimerais connaître l’avis des frères Dardenne.
Autre potin de ma chronique autoroutière : on a remplacé le panneau indicateur à la croix gammée.
« Dans une avalanche, aucun flocon ne se sent jamais responsable. »
Stanislaw Jerzy Lec (1909 – 1966) – Journaliste et écrivain polonais
dont je ne connais que quelques aphorismes.
Tunnel de Kikbeek – Maasmechelen – novembre 2005
Ce tunnel, sous lequel je passe matin et soir pour aller au bureau, a été construit en rase campagne, à un endroit où la lande limbourgeoise, magnifique, avait été éventrée sans pitié, il y a une trentaine d’années, pour livrer passage à l’autoroute d’Anvers et Bruxelles à Cologne.
Il fait partie d’un vaste et coûteux projet qui cherche à rétablir, pour les animaux sauvages, une continuité territoriale d’est en ouest de la Belgique. Des tonnes de béton, des milliers d’hectolitres de pétrole et des millions d’euro pour que les mulots limbourgeois puissent à nouveau trottiner vaillamment jusqu’au Zoete sans craindre ni les mastodontes bâchés ni les hordes de touristes allemands. Ceux-là débarquent sur l’autoroute voisine, de plus en plus nombreux à chaque fin de semaine prolongée, avec leurs vélos montés sur le porte-bagages de leur berline.
Quel La Fontaine tirera une fable de cette absurde histoire qui aurait bien fait rigoler Grand-Papa ?
Une baguette est facile à casser, dix baguettes sont dures comme fer.
Sun Lodge – Tribu Cheyenne photo Edward S. Curtis – 1911 – The North American Indian – 19 volumes
à mon frère, roi des cabanes