Disparition de D. K. Pattammal

Posté dans CARNATIC, ÉCOUTER par kerbacho - Date : juillet 27th, 2009

Ambiance décidément nécrologique, en ce moment : la chanteuse carnatique D. K. Pattamal est morte le 16 juillet à l’âge de 90 ans.

D. K. Pattammal

D. K. Pattammal | extrait d’un concert | Ragam Tannam Pallavi | Raga Thodi

Au cours de ce concert dont la date et lieu sont inconnus, la chanteuse est accompagnée par son frère et disciple D K Jayaraman, chant, Thiruparkadal S. Veeraraghavan, violon et Karaikudi R. Mani, mridangam.

D. K. Pattammal et son frère D. K. Jayaraman
D. K. Pattammal et son frère D. K. Jayaraman

Les autres pièces de ce concert, ainsi que le texte des compositions, se trouvent ici.

Comme beaucoup des trop rares enregistrements disponibles de Pattammal, celui-ci est d’une qualité technique médiocre, en grande partie à cause de manipulations maladroites récentes, censées réduire le bruit de l’original, mais qui causent un désagréable pompage du volume. Cependant cette grande chanteuse était avec M.S. Subbulakshmi une des pionnières qui ont dû et su s’imposer dans un univers musical jusque là strictement masculin, interdit aux femmes brahmanes. Il semblerait que D.K. Pattammal, issue d’une famille modeste et sans tradition musicale affirmée, ait été plus ou moins autodidacte.

Son morceau de bravoure était le kriti “Saundara rajam” (R. Brindavana Saranga), extrait du même concert (mis en ligne par Raju Asokan)

D. K. Pattammal | extrait d’un concert | kriti Saundara rajam | R. Brindavana Saranga

Adieu Gangubai Hangal

Posté dans ÉCOUTER, HINDOUSTAN, MOTS par kerbacho - Date : juillet 23rd, 2009

Incroyable… je viens de vérifier en cherchant « Hangal » sur ce site et je découvre que je n’y ai mentionné qu’une seule fois Gangubai Hangal, en passant d’ailleurs.
Je viens d’apprendre son décès le 20 juillet, à l’âge respectable de 97 ans, dans sa ville natale de Hubli.
A cette nouvelle, l’angoisse m’étreint. Je me sens orphelin.

Il faudrait pourtant s’efforcer de ne pas être triste. En se remémorant par exemple son concert à Gand, avec sa fille Krishna Hangal et sa (très belle) petite fille, et la brève rencontre en coulisses, au cours de laquelle Gangubai m’avait donné son accord pour filmer son concert (« à condition de ne pas déranger les autres spectateurs » avait-elle précisé avec un grand sourire).
En se souvenant des innombrables heures d’écoute de cette voix unique, mutante, minérale, dure comme on dit du bois de chêne qu’il est dur, profonde comme on dit d’un sommeil qu’il est profond.

Je me sens orphelin aussi parce que j’associais Gangubai au souvenir d’une grand-tante par alliance à qui elle ressemblait beaucoup. On l’appelait Tandé Marie, elle venait avec ses deux filles Mathilde et Marie prier aux veillées funèbres. Là où tout le monde chuchotait en sanglotant, ou ânonnait les prières dans la componction, Tandé Marie prononçait les litanies d’une belle voix forte, comme celle de Gangubai, sans émotion ni trémolo, en trio avec ses deux filles, avec une conviction et une vigueur dont, enfant, je pensais qu’elles avaient le pouvoir de réveiller le mort que l’on entourait.
Pourvu qu’à Hubli il se trouve ce soir quelques chanteuses à la voix bien assurée pour célébrer haut et fort l’adieu de l’humanité à cette femme extraordinaire.
Tandé Marie avait pour habitude de ponctuer ses conversations optimistes, simples et gaies d’un roboratif : «A la bonne heure !» d’autant plus surprenant qu’elle ne parlait pas le français.

Gangubai Hangal – Raga Bhairavi (avant que sa voix ne mue dans le grave)

Puis quelques années plus tard, toujours en pleine possession de ses moyens :

Gangubai Hangal – Raga Chandrakauns | Teental

Et après, pour se consoler ou au contraire pour bien se mettre dans la tête que tout ça c’est du passé, on peut se perdre des heures durant dans le dossier de Kulkarni sur esnips qui ne contient que des merveilles.

Quand le plus grand sérieux découpait les albums de la duchesse

Posté dans ÉCOUTER, REGARDER par kerbacho - Date : juillet 6th, 2009

Lu dans LE MONDE | 27.06.09 | Philippe Dagen

«
L’ennui en vacances peut être le meilleur stimulant de la création – surtout l’été, quand il fait trop chaud et que l’on ne sait à quoi s’occuper. Voyez Max Ernst en 1933. Est-ce une bonne idée d’aller passer trois semaines au château de Vigoleno, près de Piacenza ? L’invitation est tentante : l’antique castello médiéval [...] appartient alors à la duchesse Maria Ruspoli. On n’imagine pas plus chic que cette aristocrate amie des arts. La liste des invités de Vigoleno est glorieuse : le poète et agitateur Gabriele D’Annunzio, le pianiste Arthur Rubinstein, l’actrice Mary Pickford et même l’acteur Douglas Fairbanks, « the king of Hollywood » en personne.
Tout cela est parfait et on peut s’amuser à imaginer ce qu’aurait été la rencontre et la conversation de Fairbanks et d’Ernst [...] si elle avait eu lieu. Mais l’artiste dadaiste et surréaliste semble avoir passé l’essentiel des trois semaines dans sa chambre et dans la bibliothèque du château.
Dans la première, il travaille avec ce qu’il découvre dans la seconde. Celle-ci est riche en ouvrages du genre de ceux qu’Ernst préfère, les merveilleux gros volumes illustrés de planches en noir et blanc de la fin du XIXe siècle, récits de voyage, traités scientifiques, romans d’aventures, encyclopédies zoologiques ou botaniques.
[...] Au lieu de se contenter de les admirer, il les découpe. Avec une paire de ciseaux et, probablement, une petite lame fine, il prélève dans les pages tout ce qui arrête son regard, des héroïnes désespérées et un peu nues aux paysages désertiques, des naufrages marins aux consultations médicales. C’est la première étape du processus.

La deuxième est prévisible, puisque l’artiste est l’un des principaux inventeurs de la technique du collage, dans laquelle il fait preuve d’une virtuosité incomparable. En 1929, il a composé de la sorte les planches d’un premier ouvrage, La Femme 100 têtes, et, en 1930, le délectable Rêve d’une petite fille qui voulut entrer au carmel. Fort de ces expériences, il puise dans les ouvrages de la bibliothèque de Vigoleno les éléments visuels hétérogènes qu’il assemble en images sidérantes. Il y en a 184 en tout.

De retour à Paris, il en prépare la publication [...]. Ils paraissent d’avril à septembre 1934 [...]. Le titre de ce roman graphique est Une semaine de bonté ou les Sept Eléments capitaux. [...] Le livre est bien connu de tous les adorateurs du surréalisme. Les collages originaux ne l’étaient pas. Exposés en 1936 [...] ils avaient plus tard disparu dans une collection privée, celle de [...] Daniel Filipacchi, qui se dissimule sous le nom d’Isidore Ducasse Foundation à New York [...]. L’historien du surréalisme Werner Spiess [...] a su convaincre la fondation de prêter l’ensemble des collages pour une exposition qui parcourt l’Europe. [...] Elle est aujourd’hui au Musée d’Orsay.
Exhaustive, elle présente même quelques collages qu’Ernst n’a pas retenus pour la publication. Didactique, elle permet de mieux comprendre comment Ernst a procédé, car on peut y voir ensemble, à titre d’exemples, les collages près des illustrations imprimées dans lesquelles le chirurgien des images a découpé leurs différents éléments constitutifs. Il les fait glisser les uns dans les autres et les suture avec une habileté telle que l’oeil, souvent, ne parvient qu’à grand-peine à comprendre comment il s’y est pris. Le collage, à ce degré de perfection, rend le fantastique non seulement crédible, mais naturel.
»
« Une semaine de bonté. Les collages originaux »,
Musée d’Orsay, 1, rue de la Légion-d’Honneur, Paris-8e | Tél. : 01-40-49-48-14.
Du mardi au dimanche de 9 h 30 à 18 heures ; jeudi jusqu’à 21 h 45. 8 €.
Du 30 juin au 13 septembre.


Je me réjouis de cette exhumation et ne manquerai pas d’y aller (penser à emporter une bonne loupe!). Je garde un souvenir très fort de la précédente grande rétrospective Dadamax consacrée par Werner Spiess à Max Ernst, vue à Düsseldorf en 1989 (vingt ans déjà !).
Il me semble toutefois que Philippe Dagen et d’autres font fausse route quand ils insistent sur la virtuosité de la technique de M.E. qui, à les lire, résiderait dans le coup de ciseaux ou de scalpel de l’artiste. Il me semble que la trouvaille de génie réside d’abord dans l’intuition que Max Ernst a eue d’utiliser comme matériau les gravures sur bois, lesquelles se prêtent par leur extrême dépouillement technique (pas de demi-teintes, rien que des striures en noir et blanc et rien d’autre !), à unifier les représentations des scènes, des objets, des matières et des lumières les plus diverses.
Toutes les images imprimées, gravées sur bois selon les techniques bon marché en usage avant le recours aux demi-teintes ont donc un dénominateur commun grâce auquel on peut mettre n’importe laquelle de ces images avec n’importe quelle autre, ça marche toujours ! Même en l’absence de virtuosité ou de méticulosité particulière, l’oeil accepte la greffe avec une complaisance beaucoup plus grande que lorsque l’on essaye d’associer en collages des images reproduites avec d’autres techniques, ou pire avec des images d’origine disparates.
Pour espérer saisir en quoi consiste le génie de Max Ernst dans ses collages, il ne faut donc surtout pas s’arrêter à cette supposée « habileté telle que l’oeil, souvent, ne parvient qu’à grand-peine à comprendre comment il s’y est pris ».

Je ne cherche nullement à dénigrer Max Ernst ni à discuter son mérite, bien au contraire. Ses collages m’ont procuré des émotions parmi les plus bouleversantes.
Je voudrais plutôt souligner qu’à mon avis son génie a consisté, après avoir (le premier ?) reconnu le potentiel de cette technique, à improviser ses collages qui sont autant de rencontres furtives dont l’artiste n’est que le témoin et le consignateur. La réussite de ces oeuvres ne doit pas tant à la méticulosité du colleur qu’à son culot.

J’ai souvent cherché à faire le rapprochement entre ce phénomène à la fois simple et mystérieux, propre au collage de gravures sur bois, et le collage de sons et de bruits sur disques puis sur bande magnétique tel qu’il a été pratiqué à partir des années 1950 par Pierre Schaeffer et Pierre Henry.
Un peu comme si, de la même manière que les striures des gravures sur bois unifient des images hétéroclites et les rendent compatibles entre elles aussi disparates qu’elles soient, le fait d’enregistrer des sons en sillons fermés (encore des striures) et en boucles pour les reproduire par des moyens électro-acoustiques permettrait de les greffer les uns sur les autres et les faire accepter par l’oreille contre toute vraisemblance.

Il est intéressant de noter où en sont nos seuils de réceptivité deux ou trois générations après l’apparition de ces techniques. Depuis quelques années les DJ juxtaposent (mixent, comme ils disent) des musiques hétéroclites. Parmi leur très vaste public plus personne ne bronche. C’est passé dans les moeurs ordinaires. Idem pour les images.
Il me semble qu’il est rare cependant de voir des images qui ont la fraîcheur de celles de Max Ernst ni d’entendre des collages sonores qui ont la vigueur vulcanienne des premiers montages de Pierre Schaeffer.

Bibi va à la grande école

Posté dans divers, REGARDER par kerbacho - Date : juillet 5th, 2009

L’année scolaire est terminée. En septembre prochain cette demoiselle entrera à l’école primaire.
Avec un an d’avance sur ses camarades, elle va se jeter dans la gueule du Grand Laminoir scolaire.

Puissent ta fragile silhouette, ta fierté ferme et discrète, ton avidité d’apprendre et ta joie de découvrir ne pas se heurter de plein fouet à la dureté du monde métropolitain régi par les TV et ses hordes d’adorateurs !