Comme il faut !

Posté dans CARNATIC, ÉCOUTER, REGARDER par kerbacho - Date : mai 26th, 2009

Organiser un concert de musique vocale carnatique à Bruxelles, en plein mois de mai, le premier samedi de vraie grande chaleur d’un printemps jusque là très frileux, avec vue imprenable sur le pont de l’Ascension d’un côté et celui de la Pentecôte de l’autre, dans un lieu qui a certes la réputation de faire le plein avec de la musique indienne, mais seulement quand elle est jouée par des artistes belges, est une entreprise assez farfelue. Un pari bien hasardeux pour ce qui concerne le taux de remplissage de la salle. Ce n’était peut-être pas une cause perdue d’avance, mais certainement pas gagnée non plus.
En tout cas un défi parfaitement hors de ma portée, quand bien même j’aurais eu le temps et l’énergie de m’y consacrer comme il faut.

D’ailleurs à une heure du début du concert, la contemplation de la liste des réservations n’avait rien d’enthousiasmant et laissait entrevoir une soirée dont la qualité musicale ne ferait certes aucun doute, mais qui resterait dans les annales dans la même catégorie que les deux derniers concerts de musique indienne au même endroit : quelques dizaines de spectateurs pour Shashank en mai 2007, et pas tellement plus pour Prattyush Banerjee en novembre 2007.

Et pourtant, quand le concert de Sanjay Subrahmanyan, S. Varadarajan et Neyveli Venkatesh a commencé samedi soir vers 20h30, la salle était pleine.

Pour les retardataires du dernier quart d’heure, surpris peut-être par la densité du trafic et par la difficulté de trouver à garer leur voiture, il a fallu ouvrir le balcon.
Quel moment délicieux ce doit être dans la vie de l’organisateur quand il décroche la chaîne qui barre l’accès au dernier étage!
Deux heures et demi plus tard il restait toujours quelque 300 personnes dans la salle, apparemment magnétisées par les trois artistes, eux-mêmes visiblement très heureux après un Sindhi Bhairavi endiablé.

Sanjay Subrahmanyan devant le micro de l'émission le Monde est un Village, de Didier Mélon, sur La Première - photo Béa Didier
[Photo Béa Didier] Sanjay Subrahmanyan devant le micro de l’émission le Monde est un Village de Didier Mélon, sur La Première.

Cette réussite est à mettre au crédit d’une personne, une seule personne, Béatrice Didier, qui pendant des semaines, des mois, s’y est consacrée comme… il faut.

Comme il faut… pour rendre hommage aux musiciens à la hauteur de l’admiration qu’elle leur porte.
Comme il faut… pour remplir la salle ainsi qu’elle s’était engagée à le faire quand nous avions décidé de mettre en chantier ce concert.

Chapeau ! Belle leçon de maïeutique infatigable, pour moi qui me pique de faire venir des artistes parmi les meilleurs d’Inde mais les fais jouer devant des salles à moitié vides, et belle leçon pour tous les organisateurs professionnels qui se plaignent de la baisse de fréquentation des concerts, notamment de musique indienne.

Vous avez pris le taureau par les cornes, merci Béa !
Grâce à vous j’ai pu vérifier que mon intuition initiale en entendant Sanjay il y a quelques années sur le site ITC-SRA (d’où il a malheureusment disparu) n’était pas un fantasme. Je ne serai pas là dans cinquante ans, comme il le suggère lui-même, pour vérifier si son apport tient la route, mais j’aurai eu la satisfaction d’assister à la germination de quelque chose qui deviendra peut-être un mouvement de réconciliation entre deux narcissimes, apparemment irréductibles pour l’instant.

Qui mieux que Sanjay lance de telles passerelles musicales entre le Sud de l’Inde, dravidien borné, et le Nord, mahométan buté ? Merci Sanjay !