transmettre

Christian Boltanski, dans un entretien avec Michel Piccoli :

    [...] nous sommes très fâchés avec la mort. Dans les sociétés traditionnelles, ou au XIXe siècle, la mort était une occasion pour faire de grands repas familiaux. Seule la transmission avait de l’importance. Le grand-père mourait, le père prenait sa place, le fils prenait celle du père, la mort était mieux intégrée à la vie. Aujourdhui on vous laisse un peu survivre ou végéter pendant quinze jours à l’hôpital, puis on vous débranche. Avant les gens aimaient mourir en bonne santé. Tous les grands écrivains ont eu une dernière parole, comme Kafka, qui aurait bu du champagne la nuit de sa mort.
    Cette rupture de transmission rend la mort beaucoup plus terrible qu’auparavant. L’artisan qui enseignait à son apprenti les gestes du métier survivait un peu à travers lui. Cela me paraît aujourd’hui inutile : à quoi bon transmettre puisqu’on ne cesse de trouver de nouveaux moyens de fabriquer plus vite ? Avant, chaque individu était moins important que cette transmission qui le dépassait. [fin de citation - Extrait des Cahiers du Cinéma, décembre 2005]

C’est caricatural, réducteur, le côté « avant c’était mieux » plutôt stérile. Pourtant ce passage pose une question pertinente.
Je me sens étranger à une époque qui fait que l’individu ne supporte plus rien qui le dépasse, à un monde changé en une espèce de vaste terrain de jeux pour adultes gâtés et capricieux.

One Response to “transmettre”

  1. kerbacho écrit :

    Il faudrait chercher à voir dans quelle mesure la reproduction mécanisée (pour paraphraser Walter Benjamin) de la présence humaine par la photographie, le film et l’enregistrement sonore a perturbé la perception de la disparition physique qui scelle la transmission ? La transmission est-elle possible s’il n’y a pas disparition ?

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