Mushtaq Ali Khan, sitar & surbahar

Quand Ali Akbar Khan et surtout Ravi Shankar ont imposé au monde entier la musique de leur Maihar Gharana comme LA musique indienne, le contrecoup de ce raz-de-marée ne s’est pas fait attendre sur la scène indienne. Ce succès planétaire, qui doit beaucoup à ce que l’on appelait alors les mass media, a fait se tourner tous les projecteurs occidentaux sur un style précis, le leur, laissant alors dans l’ombre un certain nombre de styles contemporains non moins intéressants et porteurs d’un riche héritage, mais dont les représentants voyageaient moins, ou pas du tout, à l’étranger, ne bénéficiaient pas du même charisme que par exemple Ravi Shankar, ou Vilayat Khan, et se montraient sans doute moins aptes à revendiquer une supériorité, voire une hégémonie.

La conjonction de plusieurs phénomènes (dans le contexte particulier de l’après-guerre et surtout de la décolonisation et du post-colonialisme) a eu des effets radicaux sur la musique classique en Inde, qu’aujourd’hui de nouveaux médias de masse, à savoir l’internet et surtout YouTube, permettent, dans une certaine mesure, d’inverser : ils offrent à tout un chacun la possibilité de redécouvrir (au moins l’existence de) certains de ces musiciens, alors très célèbres, mais injustement oubliés depuis.
Existe-t-il un seul enregistrement commercial de Mushtaq Ali Khan (disponible aujourd’hui) ?

Ce descendant d’une longue lignée de beenkar, c’est-à-dire d’instrumentistes (vina, surbahar, sitar) jouissant d’une grande considération (ce qui n’était pas le cas de tous les instrumentistes) appartient à une des branches instrumentales de la Senia Gharana, dans laquelle l’influence des techniques vocales, tant vantée par les styles instrumentaux concurrents, sans être totalement absente, apparaît beaucoup moins prépondérante. On n’y trouve pas non plus les innovations de l’ornementation proprement instrumentale caractéristiques des styles plus modernes.
La musique est sobre, élaborée mais claire, moins chargée d’affect, et non moins intéressante. La virtuosité, quand il y en a, n’est pas ostentatoire.

Je me suis toujours senti attiré par ces styles méconnus, comme celui de la Senia Shahjahanpur Gharana de Buddhadev Dasgupta, et d’autres musician’s musicians, car j’ai l’impression que plus on en connaît, mieux on comprend que tout est dans tout, et que, pris individuellement, un élément ne dit rien (ou si peu) sur le puzzle musical dans son ensemble.

Mushtaq Ali Khan – Sitar
Nirmal Guha Thakur – Sitar
Debu Chaudhuri – Sitar
Ananda Gopal Bandopadhyaya – Tabla

Le joueur de tanpura serait David Barsamian, devenu célèbre dans l’entourage de Noam Chomsky. Dans la grande tradition de l’absence de rigueur de la musicographie indienne, personne n’estime opportun de mentionner le nom du deuxième joueur de tabla.
Ces deux séquences (mal filmées car la caméra « se trompe » sans cesse de musicien) même si elles ne rendent pas vraiment justice au style de Mushtaq Ali Khan, témoignent en tout cas de la simplicité de ce maître qui n’hésite pas à laisser ses deux disciples principaux occuper la scène avec lui à parts à peu près égales. Je suis tombé dessus grâce au sympathique site hongrois de Tóth Szabi

NB: Ne pas confondre Mushtaq Ali avec Mushtaq Hussain, chanteur de la Rampur-Sahaswan Gharana, né en 1880.

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