Jazz tyrolien

Puschnig gamin Wolfgang Puschnig, saxophoniste (alto) autrichien, est un de ces musiciens créateurs d’un jazz typiquement européen qui m’ont époustouflé dès la première note que j’ai entendue d’eux. C’était au Festival d’Oupeye, en 1994 (pas sûr ?), avec Christophe Lauer, saxophoniste ténor allemand je crois, et, annoncé dans le programme, Michel Godard, le seul que je connaisse à ce moment-là, mais qui, absent, sera remplacé au pied levé par Michel Massot.
Une triple découverte inoubliable, malgré les conditions un peu bancales d’un concert sous chapiteau.

Peu après j’ai découvert et écouté ad nauseam le CD Gemini Gemini dans lequel, avec son compère bassiste Jamaaladeen Tacuma, il revisitait la musique de Monk.

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Puis ce fut la découverte du CD Alpine Aspects paru en 1991, dans lequel Puschnig, toujours avec Jamaaladeen Tacuma et cette fois la chanteuse Linda Sharrock, fait swinguer la fanfare de son village tyrolien. Une aventure qui n’est d’ailleurs pas finie puisque cette formation étonnante continue de se produire (Festival de Berlin par exemple).
Sur la plage 7 de ce CD décapant, intitulée Like A Song, Like A Dance, j’ai été fasciné plus particulièrement par le trébuchement résultant du déplacement de l’accent tonique dans la cellule rythmique.

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J’ignore pourquoi je peux me passer ça en boucle sans m’en lasser.
Ce déphasage rythmique me procure un bien-être physique.
Peut-être parce que ce genre de rythme, décrit (à tort) comme «boîteux» par la musicologie occidentale, me rappelle mes premiers contacts avec la musique de Béla Bartók. Ma jeune prof de piano m’avait fait jouer certaines de ses pièces (faciles) alors que je venais à peine de commencer l’étude de la musique. Je me souviens de la sensation puissante de découvrir un monde musical riche et fort, pas facile à comprendre parce que très éloigné de l’univers où je grandissais, mais attirant.
Plus tard, à l’adolescence, j’ai adoré le premier disque d’Emerson Lake & Palmer, probablement parce qu’il pillait joyeusement (et sans le dire) la musique de Bartók (et d’autres).

Tout ceci me rappelle un autre exemple de déconstruction renversante, entendu à la radio (probablement lors d’un concert retransmis sur France Musique à la fin des années 1970) mais malheureusement jamais retrouvé depuis. Il s’agissait d’une improvisation d’Anthony Braxton (et de ses compagnons du moment, au nombre desquels figurait son frère si ma mémoire est bonne) sur le thème de la Marseillaise. Je serais curieux de réentendre ça aujourd’hui

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