Ecouter la musique comme la seule chose qui existe au monde

À la question de savoir si je connaissais ceci et ce que j’en pensais, je ne sais trop quoi répondre.
Je crois que je ne connaissais pas… ou alors je suis peut-être passé sur ce site comme sur tant d’autres pour l’oublier presque aussitôt.
Même s’il ne correspond pas à mon tempérament obstinément autodidacte, ce guide interactif de la musique classique indienne possède peut-être de grandes qualités pédagogiques.
Il n’est probablement pas dépourvu d’intérêt pour quelqu’un qui cherche à s’informer, et au prix où il est, il me semble que le risque est de toute façon limité. Je serais heureux que l’on m’en donne des nouvelles que je relayerais volontiers.

Quant à moi, ce que je conseillerais à un auditeur occidental pour essayer de s’imprégner de façon consciente et active de la musique indienne, c’est d’écouter de façon justement consciente et active :
- surtout ne rien faire d’autre en même temps,
- rester les yeux fermés,
- se concentrer exclusivement sur la musique en train de se faire,
- ne pas penser à autre chose que les notes elles-mêmes. Les suivre mentalement comme si c’était la seule chose qui existe au monde.
- s’interdire toute image, toute évocation, toute rêverie.

Pour cela, je recommande d’écouter du dhrupad, surtout les alap, forme ancienne, très dépouillée, charpentée très clairement, centrée sur l’exposition des caractéristiques essentielles du raga, lequel est développé avec un soin extrême (par les bons musiciens).
Je recommande par exemple les Gundecha Brothers. Leur chant est dépouillé, mais plutôt agréable et toujours très soigné (peut-être trop au goût de certains). Ses qualités facilitent la concentration sur l’énoncé musical.
L’usage d’un casque d’écoute est fortement propice lui aussi à l’immersion totale.

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Gundecha Brothers – Raga Behag – Alap – extrait du CD Sattva | Sense World Music

Réécouter plusieurs fois de suite les cinq premières minutes.
Maintenant commence l’exercice actif : il faut chanter tout en écoutant. Une seule note, toujours la même, la tonique, le SA (ou le DO) d’un bout à l’autre de l’alap.
Pas chantonner, pas murmurer, non, chanter fort et tenir la tonique avec assurance.
Ne pas chanter d’autre note que cette tonique, le SA.
Attention à la respiration, un quart d’heure, c’est long !

Ce petit exercice permet à mon avis de comprendre (ou de réapprendre ?) petit à petit (ne pas s’étonner que ça ne marche pas dès la première fois, ça peut même durer longtemps… des années peut-être) ce qu’est la musique modale, cette musique dans laquelle la tonique ne bouge pas et ne s’efface jamais, d’un bout à l’autre du morceau qui peut pourtant durer des heures, cette musique dont la plupart d’entre nous autres Occidentaux avons perdu le sens en raison de la domination multiséculaire de la polyphonie et de l’harmonie.

Chantez invariablement le bourdon, comme la tanpura et en même temps écoutez les notes chantées par les frères Gundecha. Petit à petit vous prendrez conscience du rapport entre cette tonique universelle, le SA, et les autres notes du raga. Vous sentirez physiquement les intervalles qui les lient (ou les séparent), et petit à petit se dessineront les mouvements mélodiques caractéristiques qui, dans le cadre du raga présenté, permettent de passer d’une note à une autre.

Cela ne suffit pas encore bien sûr à comprendre ce qu’est ce raga, dans ce cas Behag, mais c’est le terreau expérimental sur lequel se développeront les investigations futures.

Cet exercice très plaisant tel que je le décris, s’il est bien fait, procure un commerce quasi charnel avec le raga. Je crois qu’on peut difficilement faire plus clair, plus didactique, que le chant dhrupad des Gundecha Broz. 

Gundecha Brothers - CD Sattva - 2005

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