La musique de Mita Nag

Malade depuis quelques jours, je n’ai pas pu me rendre aux concerts de Mita Nag à Bruxelles et Gand. Je suis allé l’écouter à Aachen vendredi soir, en dépit de mon état de santé encore incertain, ce que j’ai payé cher par une rechute carabinée. Il n’y avait pas de sono, mais une climatisation forcenée…

Cette jeune artiste dont j’avais beaucoup entendu parler en bien et dont je guettais le passage depuis des années, j’aurais pourtant aimé la réentendre à Bruxelles ou à Gand, car le concert de Aachen ne m’a pas vraiment emballé. Je me demande dans quelle mesure cette relative insatisfaction est liée à mon état de santé, encore correct pourtant durant le concert. C’est une impression générale diffuse.

La musicienne n’était sans doute pas tout à fait à son aise non plus, car pour un frêle sitar, l’absence totale de sonorisation dans une salle tout de même assez grande est presqu’aussi préjudiciable que trop d’amplification. On a beau dans ce cas pointer les oreilles pour capter les subtilités de la main gauche, même dans les parties sans accompagnement, on n’entend pas tout. Saibal Chatterjee, le tabliste, a heureusement maîtrisé son jeu et adapté son volume sonore en fonction des circonstances. Je n’ai pas spécialement apprécié son accompagnement. mais il ne m’a pas non plus dérangé.

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Mita Nag a joué Raga Maru Behag, avec une approche que j’ai trouvée plutôt originale et intéressante. Pourtant, mon attention n’a pas été vraiment soutenue, à peine relancée par les retours toujours surprenants du shuddh Ma, qui soustrait la mélodie pour quelques instants à la sphère d’influence de Yaman. Après un quart d’heure de tivra Ma, le saut de quarte juste Sa – shuddh Ma est d’un effet saisissant, propre à la musique purement modale. Mais je m’égare…

Parmi les aspects très convaincants de la musique de Mita Nag, je note avec plaisir deux caractéristiques trop rares à mon goût du jeu de beaucoup de sitaristes : d’une part l’effet obtenu, dans le jod, par le fait qu’au lieu de se contenter, comme on le fait beaucoup, de passer de la corde mélodique aux chikari et retour, elle intercale une troisième frappe sur les autres cordes, ce qui donne un agréable balancement et casse le caractère binaire parfois obsessionnel du jod, en lui donnant un air de nonchalance paisible. Ce n’est qu’un petit détail, mais j’y suis sensible.
Dans le même esprit, vers la fin du gat rapide, son jhalla accompagné était d’une retenue et même d’une douceur exemplaires (malgré un tempo élevé comme il sied au jhalla).
Sont-ce là les marques de la féminité ou tout simplement celles d’une grande sensibilité (et d’une grande autorité sur le tabliste qui est obligé de jouer à la fois prestissimo et pianissimo) ?
Les deux sans doute.

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Les compositions ont été servies à grand renfort de layakari, le développement rythmico-mélodique dans lequel ne s’aventurent que les musiciens accomplis.
A interpréter comme marque d’un grand sérieux, d’un professionalisme raffiné, et d’une musicalité maîtrisée, je citerai encore le choix éclectique des compositions. Il ne me semble pas fréquent en effet d’entendre un sitariste emprunter nommément une composition à un joueur de shenai, fût-il Bismillah Khan. Dans la deuxième partie, Mita Nag a joué un raga carnatique hindoustanisé par Ravi Shankar, Raga Malaya Marutam (que je n’avais jamais entendu, mais il m’a semblé remarquer deux secondes augmentées), pour conclure avec un thumri immortalisé par Bade Ghulam Ali Khan. On a vu maint sitariste plus ambitieux se contenter d’un programme moins inspiré.

Ce qui m’a beaucoup manqué dans ce concert, c’est de n’avoir pas entendu une seule note sur la corde de kharaj, à se demander si le sitar (d’ailleurs accordé en ré et non en do# comme c’est l’habitude) en était pourvu!
Du coup, par comparaison, je me suis dit que le jeu de Sahana Banerjee regagnait en intérêt et qu’elle tiendrait la comparaison. A voir !

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L’une et l’autre musiciennes sont héritières d’une grande tradition. Pour la petite histoire, j’ai d’ailleurs entendu dire que le regretté Nikhil Banerjee aurait apprécié le style de Manilal Nag, le père et guru de Mita et représentant actuel de la Vishnupur Gharana de sitar, au point de le percevoir comme un de ses possibles « successeurs ». Etc.

2 Responses to “La musique de Mita Nag”

  1. kerbacho écrit :

    On trouve déjà sur YouTube un extrait en vidéo du concert d’Aix-la-Chapelle (enregistré sur une de ces nouvelles petites caméras numériques Sony à carte mémoire)
    http://fr.youtube.com/watch?v=Emlj1LQ6fLw&feature=related

  2. UDIT écrit :

    I would like to point out that there is an error in the section « influence on » under the section of saord player Zarine Daruwala.

    Ramakant Mhapsekar is a senior tabla maestro. You may have made a mistake read his name as an accompanist for an old recording of hers.

    Please coulc you check your source and delete his name. I am quite certain that this is wrong information as Mhapsekar is one of my tabla guru and i have spent several years with him in Mumbai.

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