Improvised chamber music = télépathie musicale
Excellent concert du trio Kaufman-Gratkowski-de Joode au château Vilain XIIII à Leut la semaine dernière. Le plus fascinant des trois musiciens est le bassiste Wilbert de Joode, mais le trio est extraordinairement homogène, ce qui est d’autant plus frappant que leur musique est totalement libre. Eux-mêmes appellent ça improvised chamber music. En l’absence de repères conventionnels, je suppose que les musiciens communiquent par télépathie.
C’est un des meilleurs concerts que j’ai vus au château ! On n’était qu’une modeste vingtaine d’auditeurs, tous enthousiastes et comblés…
Je conviens que cette musique puisse faire peur, mais quiconque prend le risque d’écouter de tels artistes, qui jouent de toute évidence d’abord pour eux-mêmes et font preuve néanmoins d’une grande générosité, ne manquera pas d’être touché par la beauté âpre de leur musique à la fois brute et tendre, sauvage et maîtrisée… j’ai pensé à Eric Dolphy (pour la lave), à Charles Mingus (pour les couleurs), à Louis Sclavis.
Des mains de Wilbert de Joode rayonne une force peu commune. En dépit de l’impression que peut donner cette photo, ces hommes sont beaux à voir. D’ailleurs, pour ne pas en perdre une miette, je suis resté sur le bord de ma chaise du début à la fin du concert. Et j’ai acheté leur dernier CD, dont on peut entendre des extraits ici.
Grosso modo dans le même registre, il y a quelques semaines, toujours au château, un concert presque aussi impressionnant d’un autre trio de jazz : Marilyn Crispell (piano), Vincent Courtois (violoncelle), Michele Rabbia (percussion). Ce soir-là ce n’est pas tant l’homogénéité du trio qui m’a frappé que la discrétion, voire l’effacement de la pianiste, au bénéfice du violoncelle et de la percussion (excellent Michele Rabbia). Curieusement la salle était bien pleine ce soir-là, soit une bonne centaine de personnes.