Déçu/pas déçu

Il y a quinze jours, jeudi soir : concert de Kala Ramnath à Anvers, pas mauvais mais pas non plus très satisfaisant.
L’alchimie d’un concert est si fragile, il suffit d’un rien pour que la mayonnaise ne prenne pas.
Arrivé en pleine balance, je suis resté un instant en coulisse, à observer Kala sur scène tandis que le jeune tabliste Satyajit Talwalkar (28 ans) dans la salle donnait des instructions à l’ingénieur du son (un grand mot). Bref, la situation typique dont je me jure à chaque concert qu’elle ne se reproduira plus.

Comme d’habitude, tiraillements sur le volume, les aigus, le grave, la réverb, les retours, le micro, etc. Echanges en mauvais anglais, malentendus, a parte en hindi, piques, énervement, frustration, la spirale…
J’étais arrivé guilleret, enthousiaste, tout à la joie du concert. En l’espace de trois minutes ma belle humeur était battue en brèche. Heureusement que je n’étais pas impliqué directement dans l’organisation, car cette situation aurait été l’exemple parfait de ce qui vous décourage d’organiser quoi que ce soit.
Accessoirement j’ai entendu dire un jour que les musiciens n’aiment pas certaines salles, le Zuiderpershuis notamment (alors que moi j’apprécie, notamment l’ampleur de la scène). Je crois que je commence à comprendre pourquoi les musiciens n’aiment pas certains lieux et surtout le personnel qui y règne.
Retrouvailles avec Peter, le sympathique road manager du KIT, un homme qui combine de façon exemplaire gentillesse et fermeté et fait preuve envers et contre tout d’un inaltérable respect envers les musiciens.
Finalement il n’y a pas eu de catastrophe, le feu d’artifice du jeune tabliste que je craignais tant n’a pas eu lieu. S’est-il assagi depuis la fois où je l’ai vu (en 2003, on a vérifié la date du visa sur son passeport) avec Purbayan Chatterjee ? Ou est-ce Kala qui a eu plus d’ascendant sur lui ? Il s’est tenu à carreaux, mais dès qu’on lui en donne la possibilité, il déploie le grand jeu des tambourinaires qui voudraient tant être Zakir à la place de Zakir.
J’avais envisagé de retourner les écouter le lendemain au Tropentheater à Amsterdam pour le plus grand de cette tournée de six concerts, mais j’y ai renoncé, pas seulement en raison de la charge de travail à la maison, pas seulement non plus à cause de la déception du concert d’Anvers.
Samedi Kala jouait à Rotterdam. C’est loin aussi, et c’est encore une salle que je n’aime pas trop.
Je gardais l’option d’y retourner dimanche à Utrecht, à 15heures, avec l’avantage d’un répertoire différent, et la perspective d’un retour pas trop tardif.
Hésitant jusqu’à la dernière minute, j’ai finalement décidé d’y aller abandonnant là mes pinceaux et ma moquette.
Quelle folie, n’est-ce pas, quand on a la maison en chantier, de faire ainsi deux heures de route (dans un sens) pour aller écouter une artiste déjà entendue l’avant-veille (après avoir fait également une heure de route dans chaque sens), sans parler d’une bonne demi-douzaine de concerts plus anciens et autant d’enregistrements ?
Axel, qui a suivi la tournée pour y vendre ses disques, écarquille les yeux en me voyant débarquer à Utrecht :  » Tu es bien la dernière personne que je m’attendais à voir débarquer cet après-midi… » puis sur un ton ouvertement ironique « Le concert à Anvers était-il donc si bon que tu as décidé de revenir ? » et enfin l’estocade : « Je crois que je ne sortirais même pas de chez moi pour un concert de Kala Ramnath… »
Je n’en menais pas large, mais j’ai préféré me taire.
Or finalement le concert d’Utrecht a été formidable. Le son était parfait, la musique parfaite, équilibrée, intéressante d’un bout à l’autre. Kala en forme, souriante, heureuse de jouer, généreuse, soigneuse.

Quand on assiste ainsi à plusieurs concerts d’une même tournée, c’est comme si au lieu de ne voir qu’une seule photo d’une personne inconnue, on voyait son album, avec des photos des quatre saisons et prises dans des circonstances différentes, par des photographes différents.
Quelle merveilleuse expérience ! La musique vit, palpite, jaillit… Tout ça n’a évidement pas grand chose à voir avec le ressassement des enregistrements de musiciens disparus que l’on n’a jamais entendus. A la prise de risque du musicien répond la prise de risque (toutes proportions gardées) de l’auditeur.
Les morceaux :
Raga Madhuvanti – Raga Dinki Puriya – Raga Des

J’en ai profité pour acheter à Axel un CD de Sanjay Subramaniam, chanteur carnatique extraordinaire, découvert sur le site de SRA. Je garde ça pour un autre jour.

One Response to “Déçu/pas déçu”

  1. kerbacho écrit :

    Dans la série des interrogations sur les problèmes de forme dans la musique indienne, j’ai noté que certains musiciens ne terminent pas leur concert par des pièces explicitement légères, thumri, bhajan, dhun et autres desserts (parfois trop sucrés). C’est le cas notamment de Kala Ramnath dont les pièces de seconde partie sont souvent de facture classique et finalement assez austères.

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