Jamais je n’oublierai

Je n’oublierai jamais la première fois que

  • j’ai entendu le groupe allemand Ton Steine Scherben. A Strasbourg, au TNS je crois ou dans une autre institution respectable, un endroit pas vraiment fait pour ça. Il jouait avec la troupe de théâtre Kollektiv Rote Rübe. Je ne l’ai plus jamais entendu depuis.
  • j’ai vu Steve Lacy en concert à Anvers, avec Mal Waldron (vers 2000). Pas enthousiasmant, mais inoubliable.
  • j’ai vu Balaram Pathak à Maastricht (vers 1986). Pas vraiment enthousiasmant, mais inoubliable.
  • .

  • j’ai entendu de la musique indienne sur un LP (vers 1968), je devais être en seconde : Yehudi Menuhin et Ravi Shankar (plus Alla Rakha). Je choisissais des disques (deux par mois ?) pour Dédée à un Club du Disque classique auquel elle était abonnée. Comme l’a fait très justement remarquer Zakir Hussain, ce n’était pas de la fusion :Menuhin jouait de la musique de Ravi Shankar, et plus tard Ravi Shankar a composé de la musique selon les occidentaux.
  • j’ai entendu Jimi Hendrix. Aussi vers 1968. Mon meilleur copain d’alors était batteur, il écoutait les Who, Cream, Vanilla Fudge, les Stones… J’avais du mal, mais je me forçais un peu. « Machine Gun » est rentré chez moi comme dans du beurre. Je venais d’avoir quatorze ans.
  • j’ai acheté moi-même un LP de musique indienne. C’est au cours de l’été après le bac, en 1971. J’ai travaillé à Paris comme accompagnateur et guide de touristes américains à la Foreign Study League. J’avais gagné un peu d’argent et je me suis payé mon premier double LP (Ravi Shankar et Ali Akbar Khan) trouvé dans un magasin des Champs-Elysées. Il coûtait une fortune et je n’avais même pas de tourne-disque.
  • j’ai entendu du sarod, émerveillé. C’était ce double album.
  • je me suis rendu compte que Ravi Shankar et la musique indienne étaient très populaire. C’étaient deux LP achetés par et avec Lucien aux Économats canadiens (magasins des militaires canadiens) à Baden-Baden. En 1972 sans doute. Ravi Shankar
  • j’ai vu un sitar en vrai, à Strasbourg, rue du 22 novembre, en face du Magmod, dans un magasin de brocante et de vieux instruments de musique, suspendu presqu’au plafond, il y avait un sitar, comme décoration. Je suis passé devant souvent. Un jour, avec Robert, j’ai osé leur demander de le décrocher. Ce qui n’a pas manqué de faire aussitôt monter le prix.
  • j’ai découvert de très bons LP de jazz en Belgique, à la bibliothèque de Genk, puis à celle de Hasselt, très bien fournie, grâce à Jules Anthonissen ; il y avait aussi quelques LP EMI India de musique classique indienne. Plus tard, à proximité, j’ai découvert un magasin d’indiniaisieries, mais qui vendait aussi beaucoup de LP indiens, à des prix que malgré mes premiers salaires en florins je trouvais trop élevés. J’ai fini par en acheter une quinzaine, dont les fameux repiquages de 78 tours de Ravi Shankar.
  • j’ai été écouter Subroto Roy Chowdhury dans un restaurant à Bruxelles. J’étais le seul qui écoutait, les autres mangeaient et parlaient. Toutes les tables et le schaises étaient prises, c’était exigu et je me suis coincé à côté d’une plante verte. C’était terrible pour moi, lui avait l’air de s’en contrefoutre.
  • j’ai vu et entendu Godard, à la TV, au début des années 1970, très tard le soir, peut-être sur une chaîne allemande. Il se tenait dans une cabine de montage, sous un éclairage très particulier, et parlait interminablement de sa voix monotone. J’étais aimanté. Je ne me souviens plus du nom de cette émission, mais il se pourrait que’elle ait été un prémice de Histoire(s) du cinéma
  • j’ai rencontré personnellement des musiciens indiens. C’était à Gand, avec Raju A. dont je venais de faire la connaissance. Nous sommes allés écouter Ronu Majumdar (accompagné par Abhijit Banerjee) que Raju avait déjà rencontré aux Etats-Unis. Chanteur amateur lui-même, il avait même tenu la tanpura pendant un concert.
  • j’ai entendu des musiciens indiens en vrai. Un soir en sortant du magasin Fetisch où j’avais traîné avant de me décider à acheter quelques LP indiens, j’ai vu l’affichette d’une soirée Maharishi Gandharva Veda. J’ai longtemps hésité. Il y avait un flûtiste et un sitariste inconnus (je ne connaissais de toute façon pas grand monde). J’étais très étonné de constater que ces musiciens et cette musique étaient là, vivants, simples, à ma portée, alors que jusqu’alors je n’avais jamais entendu de musique indienne qu’enregistrée.
  • j’ai vu Ordet de Dreyer. Longtemps j’avais été intrigué par le fait que ce film soit cité au début des années 80 par la jeune actrice Sandrine Bonnaire comme le chef-d’oeuvre absolu. A l’époque il n’était pas facile de voir ce genre de films à moins d’habiter près d’une cinémathèque. Ce qui a fini par arriver. Dreyer à propos de Gertrud :« Ce que je cherche dans mes films, ce que je veux obtenir, c’est de pénétrer jusqu’aux pensées profondes de mes acteurs, à travers leurs expressions les plus subtiles. »