Post-humain

Posté dans divers, MOTS par kerbacho - Date : octobre 27th, 2010

J’apprends qu’à l’Université Libre de Bruxelles l’enseignement du sanscrit a disparu.
À Liège, quand le professeur de sanscrit en fonction prendra sa retraite, son poste disparaîtra à son tour.
Il ne reste que Louvain-la-Neuve dans la partie francophone de la Belgique. Et peut-être en Flandre, je ne sais pas…

Une nouvelle qui me fait penser à ce que disait Philippe Muray au sujet de l’Homo Festivus :

« Le post-humain est quelqu’un qui se croit libéré des dettes que ses ancêtres pouvaient avoir envers le passé et qui file sur ses rollers à travers un réel dont la réalité ressemble à du carton-pâte (parc d’abstractions). Il est désinhibé à mort, il fait la fête, mais il ne rit pas parce qu’il est plus ou moins retombé en enfance et que le rire suppose un fond d’incertitude dont l’enfant a horreur. »

Homo Festivus | Le Portatif | Philippe Muray | www.philippe-muray.com

Sur l’air de « Savez-vous planter des sous ? »

Posté dans divers, MOTS par kerbacho - Date : septembre 21st, 2010

« Le capitalisme est cette croyance étonnante que les plus mauvais des hommes feront les pires des choses pour le plus grand bien de tous

John Maynard Keynes – Economiste anglais, 1883-1946

Moi, la finance et le développement durable : savez-vous où va vraiment votre épargne ?

Film documentaire de Jocelyne Lemaire-Darnaud

Sortie le 29 septembre 2010 au cinéma

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Qui invitera le film et sa réalisatrice pour des projections en Belgique ?

Discipline – vu(e) au Japon

Posté dans divers, MOTS, REGARDER par kerbacho - Date : septembre 16th, 2010

Au Japon, parmi les choses qui frappent d’abord l’Européen (surtout s’il a le tempérament latin), il y a la discipline et le sens de l’organisation.
À la gare par exemple, on se met en double-file, pas pour déposer quelqu’un, mais pour attendre le trains, lequel arrive et reparte évidemment pile à l’heure indiquée sur des panneaux lumineux bilingues parfaitement clairs.
Je n’ai pas eu le coeur de signaler aux autorités la toile d’araignée repérable sous la lampe en haut de la photo, de peur que cette dénonciation n’accule au suicide le chef de gare déshonoré ou d’un de ses subalternes.

Gare de Kyoto – juin 2010

Que l’on soit jeune ou moins jeune, coiffé ou décoiffé comme ceci ou comme cela, on est discipliné, et on attend patiemment comme tout le monde en double file sur les quais de gare et de métro.

Gare de Kyoto – juin 2010

Quand un train arrive, les voyageurs qui descendent passent sans se bousculer entre les deux files de voyageurs qui… ne montent pas avant que les autres soient descendus.

Les chauffeurs de taxi ne portent pas de casque ni de gants blancs mais s’entourent de dentelle. Leur carte d’immatriculation n’est pas bilingue, mais elle apparaît en trois ou quatre exemplaires dans la voiture.

Les gants blancs sont omniprésents, même sur les mains des hommes politiques dont on sait qu’ils ont, au Japon, les mains pourtant assez sales. Ce bus de propagande politique est arrêté à un grand carrefour devant la gare d’Osaka et le harangueur débite sa propagande (dans laquelle je ne reconnaissais que le mot «America» qui revenait sans cesse), tandis qu’un personnage salue la foule en agitant doucement sa main gantée. Des heures durant dans un vacarme de foire.

En fait de foule, personne, à part moi et la jeune femme en blanc, pensive, appuyée contre le mur à droite du bus, ne semble prêter la moindre attention à ce rituel dont la nuisance sonore est particulièrement désagréable.

Les ouvriers n’ont pas de gants blancs, mais ne quittent jamais leur casque de chantier, même dans la rue.

Devant chaque chantier, chaque parking, il y a un ou plusieurs gardiens.

Casque et uniformes : gardiens au carrefour de la gare d’Osaka, devant l’immeuble du grand magasin Yodobashi.

Dans ce grand magasin d’électro-ménager à la japonaise, on essaye de vous faire voir la vie en rose, mais l’ambiance comme partout en ville m’a paru plutôt morose. Les Japonais et surtout les Japonaises que j’ai vus se départir de leur expression de préoccupation impénétrable, affichaient aussitôt un sourire certes radieux mais qui finalement m’a paru tout aussi distant et hermétique.

Osaka – Yodobashi – La vie… en rose – juin 2010

Autre accessoire très répandu, la peluche. Ça aide sans doute à voir la vie rose. Il y en a une dizaine accrochées au téléphone de cette fille vue à la gare d’Osaka.

Il y a beaucoup de vélos au Japon, mais curieusement je n’ai vu aucune piste cyclable. Les vélos roulent sur les trottoirs et empruntent les passages pour piétons, mais ne forcent jamais le passage. Je n’ai pas entendu une seule sonnette de vélo.

Ignorant des usages nippons, j’ai même failli faire tomber une dame de son vélo parce que j’avais à tort cru opportun de m’effacer pour lui laisser le passage. Mon geste pour elle incongru lui a fait perdre l’équilibre…

Beaucoup de dames à vélo (sans doute parce qu’à l’heure où je me promenais les messieurs étaient au boulot. Elles portent tout soit un chapeau, soit une casquette, soit une visière, soit un parapluie pour se protéger du soleil.


Kyoto – Dans la rue – juin 2010

Le port du casque n’est pas incompatible avec l’usage du triporteur.

Osaka – Kansai, juin 2010, quelques instants avant le décollage

Ce salut final, discipliné, casqué et révérencieux au moment où chaque avion quitte le terminal montre bien que pour y comprendre quelque chose au Japon, il faudrait d’abord se faire traduire son mode d’emploi.

Osaka-Kansai – juin 2010

… et surtout y retourner souvent et longtemps !

Je m’aperçois que finalement, ce que j’ai vu de plus étonnant au cours de ce voyage, je ne l’ai pas photographié, tant j’étais resté interloqué par ce que je voyais et ne comprenais pas : dans ce monde urbain, apparemment assez dur, j’ai vu, notamment dans la gare d’Osaka, des enfants seuls, d’un âge auquel dans nos capitales personne ne laisse plus ses gamins circuler sans accompagnement. Joyeux, et apparemment ravis d’être là, parfaitement à l’aise, sûrs d’eux, vifs comme des papillons, ils se faufilaient entre les voyageurs vers leur quai et leur train, ce qui n’est pas tout à fait aussi simple qu’on l’imaginerait sans connaître la complexité du réseau ferroviaire japonais. Encore un signe, sans doute, de ce sens fascinant pour la discipline au Japon.

Maréchal-ferrant

Posté dans divers, MOTS, REGARDER, VOIR par kerbacho - Date : septembre 8th, 2010

Mon père était maréchal-ferrant et forgeron. Un métier déjà presque disparu à l’époque où je l’ai connu vers 1960 (avant je ne me souviens de presque rien). J’ai longtemps souffert (secrètement) du fait d’avoir un père dont le métier était obsolète. Je devrais dire plutôt que j’ai souffert de ne pas avoir à ma disposition, enfant, les outils intellectuels ou affectifs, les mots, les idées, qui m’auraient permis d’être fier de cette profession en ces années soixante naissantes où tous ne juraient que par la modernité du formica et du plastique, alors que lui était l’homme du fer. Les choses se sont heureusement arrangées petit à petit.

Sepp au cours de son service militaire dans une unité de dragons

Un des nombreux éléments qui m’ont aidé à construire voire à conquérir mon propre amour pour mon père, a été son récit (par étapes entre la fin des années 1970 jusqu’à la fin des années 1980), des choix et des décisions difficiles qu’il a dû faire pour sa profession. L’adolescent apprenti maréchal avait compris dès les années 25 que l’ère de la mécanisation et de la motorisation des outils agricoles était en marche, et que les chevaux ne tracteraient plus longtemps ni les chariots au fond de la mine de charbon, ni les charrues à la surface de la terre. Et qu’il lui fallait donc s’orienter vers la forge au service de la mécanique, technique d’avenir.

Du fait de la mort prématurée de son propre père et malgré ses aptitudes reconnues à manipuler le marteau devant l’enclume, son apprentissage s’est achevé dans des conditions difficiles, liées à son statut de garçon aîné, soutien d’une famille nombreuse orpheline.
Pas question de prolonger une formation pourtant prometteuse, l’appel des travaux de la ferme et des bouches à nourrir était le plus impérieux.

Un scénario analogue s’est joué quelques années plus tard, à la fin de son service militaire près de Lunéville, je crois bien, dans une unité de dragons, c’est-à-dire la cavalerie, époque dont pourrait dater cette photo. Un gradé vétérinaire, lui offrait l’occasion inespérée de rempiler pour se perfectionner, mais sa mère a exigé qu’il rentre et s’occupe d’elle et de ses frère et soeurs. Quand il m’a raconté cet épisode, plus de 60 ans après les faits, il restait dans sa voix des nuances d’amertume, voire de rage, nourries par la conviction toujours vive que sa vie n’avait pas pris ce jour-là le tour qu’elle aurait dû prendre.

Sepp dans les années 1960 au moment d'allumer son poste à soudure autogène

Un autre élément important de ma conquête de mon estime pour lui a été une remarque admirative à son sujet faite par Nicolas, mon grand-père maternel, l’homme du bois, un jour qu’il m’expliquait l’importance pour un menuisier de pouvoir confier l’affûtage de ses outils à un forgeron qui maîtrise l’art de chauffer au rouge le fer pour le tremper. Cette discrète mais explicite marque d’admiration pour son gendre m’a rendu en un éclair le père dont m’avaient trop longtemps privé les fantasmes de la propagande moderniste de la fraction intellectuelle de ma famille.

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Han

Posté dans divers, ÉCOUTER, ENTENDRE, MOTS par kerbacho - Date : septembre 6th, 2010

Parmi les musiques que j’aime, il y a celle des langues. Cet été, j’ai peu entendu parler néerlandais, suédois ou danois, mais beaucoup russe. Ce qui m’a fourni l’occasion de m’interroger sur l’origine de l’antipathie suscitée par cette langue ? De ce que j’ai lu sur l’URSS certainement (mais ce n’était guère mieux sous les tsars…). À quoi tiennent ces préjugés, l’attirance ou la répulsion pour :
- le c(r)oassement de l’anglais, traînant, nasal ;
- la musique enfantine du graillement américain, souvent sirupeux quand il est parlé par les femmes, souvent apnéique aussi ;
- la ritournelle ternaire de l’italien, le ricochet de ses voyelles claires, son débit sonore et chantant ;
- la scansion binaire de l’allemand, avec ses accents toniques prévisibles comme des coups de boutoir, ou le han du bûcheron ?

Han ! Han ! Je me souviens bien de ma stupéfaction d’enfant la première fois que j’ai entendu mon grand-père, homme modéré et mesuré s’il en est, à la silhouette frêle, pousser des hans d’une vigueur qui alors m’a paru prodigieuse. Cette interjection attestée dans le français écrit depuis 1552 (Rabelais) figure au dictionnaire. Pourtant quand j’entendais mon grand-père, français germanophone, la pousser la hache ou la masse à la main, j’avais l’impression d’entendre une autre langue. Ou une formule magique. Ni le « h », ni le « an » ne ressemblaient à aucun autre mot ou son connu de moi. Il semblait en transe, Nicolas, et l’onomatopée, comme une formule magique, paraissait décupler ses forces.

Zéro sucre

Posté dans divers, MOTS par kerbacho - Date : août 26th, 2010

Au cours d’un voyage en train, j’ai vu dans une gare un panneau de publicité pour une boisson gazeuse (réputée) sans sucre.
J’ai bien compris ce que veut de moi cette annonce, rédigée dans une langue qui est apparemment la même que celle que j’écris ici. Pourtant j’ai l’impression que ce n’est plus tout à fait le même français que le mien quand je lis : Caca Cola zéro sucres ou quelque chose d’approchant.

Pourquoi cette marque du pluriel ?
Les règles du français sont (souvent) tordues et pour dire (et comprendre) que les sucres sont inexistants, il y a évidemment d’infinies nuances et bien des interprétation possibles.
Entre par exemple : « il n’y a pas de sucre», et « il n’y a pas de sucres ».
Ou encore entre « il ne reste pas de sucre », « il ne reste aucun sucre », ou « il ne reste plus de sucre » et « il ne reste plus de sucres ». Pas de résidu de sucre et pas de résidus de sucre ou pas de résidu de sucres etc.

J’imagine bien le rédacteur de l’agence de publicité, qui cherche à obtenir un meilleur slogan en mettant au pluriel le mot par lequel il désigne une substance dont il doit précisément souligner l’absence. Il a fait ça spontanément sans doute, peut-être sans réfléchir aussi longtemps que moi (la gare d’Avignon est déjà loin, je reverrai le même panneau à la gare de Lille, après m’être endormi sur ce billet). Ou y a-t-il eu à l’agence une grande séance de remue-méninges pour décider si oui ou non on mettrait sucre au pluriel ?

Zéro
Je m’interroge aussi sur la manière de quantifier l’absence de sucre(s). Pourquoi « zéro » et pas « sans » qui n’est pas plus long ni plus lourd ? Trop prosaïque, sans doute. Je suppose que pour le publicitaire, zéro « ça le fait » comme on dit maintenant. On y décèle l’influence d’autres expressions à la mode, dont notamment le très expéditif « zéro tolérance ».

Je ne suis pas allé voir l’annonce de près, mais il est probable qu’en fait la boisson en question contient bel et bien du sucre, des sucres. Qui ira lire les petites lettres pour vérifier (ce que je n’ai aucune envie de faire) si on dit ou non rigoureusement l’inverse !

Zéro sucres peut-être, mais certainement des traces de contamination de ma langue par le sarkozisme.

Épître à carreaux

Posté dans divers, MOTS, REGARDER, VOIR par kerbacho - Date : août 15th, 2010

Vu en passant sur la page Wikipedia de l’écrivain Jacques Chardonne : « Il a écrit quelque 20.000 lettres ; celles écrites sur papier quadrillé sont sincères, tandis que dans celles sur papier blanc, il mentait. Ses amis connaissaient cette convention. »

Lièvre & lévrier

Posté dans divers, MOTS par kerbacho - Date : août 7th, 2010

« Le lièvre de l’imagination détale devant le lévrier de l’intelligence. »

Lu (avec plaisir) dans La Madone des Sleepings (1925), Maurice Dekobra, Éditions Zulma

Pourquoi le lièvre est-il considéré ici, déconsidéré là ?
À ce sujet, S. m’a fait observer que l’on dit Paashaas en néerlandais (c’est-à-dire lièvre de Pâques) mais lapin de Pâques en français.
En Orient, depuis la nuit des temps, les taches sur la Lune sont associées à un lièvre, en Chine et au Japon notamment, mais aussi en Inde. Et dans d’autres cultures, comme celles d’Amérique centrale. Lire à ce sujet cet excellent article.

Daniélou, Gourou, tristes topiques

Posté dans divers, MOTS par kerbacho - Date : août 3rd, 2010

J’ai eu vent ces jours-ci d’attaques contre l’oeuvre d ‘Alain Daniélou à l’occasion de la sortie d’un livre. Sans même en avoir lu une ligne, je ne suis pas mécontent qu’il suscite des interrogations, voire une polémique, car j’ai toujours éprouvé des réticences, notamment à l’égard du volet musicographique et musicologique des écrits de cette indianiste pourtant réputé.
Je n’y connais pas grand chose, même en musique indienne, et suis bien mal placé pour juger (ce dont je n’ai d’ailleurs aucune envie) mais je ne cache pas que la lecture des ouvrages de Daniélou sur la musique ne m’a, dans le fond, jamais été utile. Pendant des décennies, leur seule existence dans les rayonnages de la musicologie en langue française (par ailleurs déserts) suffisait à leur conférer une certaine légitimité. Une caution, un alibi.

Le seul bénéfice réel que j’en ai jamais tiré réside dans le fait que son livre sur les ragas de l’Inde du Nord a été pendant longtemps le seul « catalogue » de ragas dont je disposais sous forme écrite : Ragas of Northern Indian Music
Son Traité de Musicologie comparée m’a toujours laissé de glace (pour ne pas dire plus).

Sa collection d’enregistrements de musique classique effectués en Inde entre 1950 et 1955, réunis en une Anthologie jadis publiée sur vinyle par Bärenreiter, a présenté longtemps à mes yeux un défaut rédhibitoire : elle était scandaleusement chère, hors de prix pour moi, et hors d’atteinte dans les bibliothèques que je fréquentais. Un comble pour une publication sous l’égide de l’Unesco !
Quand je l’ai enfin découverte dans une médiathèque, il était pour ainsi dire trop tard pour moi, en tout cas pour la partie hindhoustanie. Heureusement il me restait de belles découvertes à faire sous le volet carnatique, encore assez peu familier.

Le hasard fait que j’ai reçu hier un livre commandé en ligne la semaine dernière, intitulé Les tropiques des géographes consacré à la notion de géographie tropicale, dont l’une des figures majeures était (et reste) Pierre Gourou. Je ne peux pas ne pas rapprocher ces deux publications dont la concomitance est évidemment fortuite et je ne cherche pas à établir de parallèle en dehors de ma propre expérience. Trente ans après le début des tumultueuses polémiques universitaires sur la stigmatisation de la connivence entre colonialisme et tropicalisme, le débat semble apaisé, mais pas éteint. Le lecteur pressé aura eu l’impression que ce livre (en fait la publication plutôt soignée des actes d’un colloque qui s’est tenu en 2007) est une exécution en règle du Père Gourou, si je puis dire. C’est parce qu’il n’aura pas dépassé la page 25, alors que le livre en compte plus de 200.
C’est d’ailleurs pour ces 25 premières pages que j’ai commandé le livre après que Google me l’ait proposé comme résultat d’une recherche pour laquelle j’avais, par jeu, donné comme mot-clé les noms de Gourou et d’Inguimberty. Or le premier chapitre du livre s’intitule Géopolitiques de l’Indochine : Gourou, Inguimberty, Duras, une accroche aguichante qui ne pouvait pas me laisser indifférent au moment où je séjournais dans une maison habitée autrefois par Pierre Gourou entouré de tableaux d’Inguimberty !

Joseph Inguimberty et sa femme (2e et 3e en partant de la droite) vers 1936-1938
Joseph Inguimberty et sa femme (au centre) vers 1936-1938 en Baie d’Alang – source

Autant la lecture de ces 25 premières pages, brouillonnes, quérulentes, s’est révélée bien décevante car l’argumentation et le style négligés de l’auteur, Gavin Bowd, trahissent une malveillance patente (j’allais écrire pathologique), une rage de dénigrement, autant celle des 180 pages restantes a été au contraire vivifiante. On sent d’un bout à l’autre du reste de l’ouvrage les accidents d’un terrain miné (on dirait même que toutes n’ont pas explosé), et on dirait que les infinies précautions des uns et des autres, finalement, favorisent ou peut-être même imposent une minutie dans l’analyse qui honore ses auteurs français, au nombre desquels je ne compte évidemment pas M. Bowd. Quelle blessure secrète taraude cet auteur (écossais mais apparemment francophone) quand il use perfidement de l’adjectif possessif pour évoquer le départ d’Inguimberty : « Inguimberty quitte définitivement son delta [...]. Il retrouvera les motifs de sa Marseille natale » ?
Un peu plus loin, les dehors d’objectivité historique cachent mal la méchanceté qui préside au choix des mots pour décrire les activités de Marguerite Donnadieu, future Duras : « Elle est affectée au Comité de la propagande de la banane, planche ensuite sur le thé ». J’en resterai là.


Comble de coïncidence, voici que dans le Monde de ce 3 août, dans l’excellente série consacrée aux revues qui ont marqué la fin du XXe siècle, paraît le 19e épisode consacré à Hérodote, la revue dont le premier numéro avait ouvert les hostilités en 1972 contre la géographie traditionnelle en général et Pierre Gourou en particulier. C’était en pleine guerre du Viet-Nam, la thèse de Pierre Gourou Les Paysans du delta tonkinois, étude de géographie humaine (soutenue en 1936) fournissait à l’armée des États-Unis des informations cartographiques précieuses, de nature à mieux cibler ses bombardements des digues du Fleuve Rouge !

Lors de mes conversations de plus en plus nombreuses avec Pierre Gourou à mesure qu’il vieillissait, j’ai admiré la courbe vertigineuse de sa trajectoire intellectuelle, la tranquille assurance avec laquelle, parti cinquante ans plus tôt d’une lecture (forcément) coloniale du monde, il en était arrivé à 90 ans largement passés, à chercher à intégrer dans son incessante interrogation et ses infatigables réflexions, des éléments nouveaux aussi radicalement éloignés de tout ce qu’il connaissait, que le sida ou l’informatique et plus précisément l’internet, sujets sur lesquels il ne cessait de m’interroger tout en s’excusant de l’impuissance de son intellect déclinant à en venir à bout.

Pierre Gourou, du pessimisme tropical à l’optimisme raisonné…

Les paysans du delta tonkinois – Etude de géographie humaine

L’Hindouisme traditionnel et l’interprétation d’Alain Daniélou,
par Jean-Louis Gabin, Cerf, coll. « l’Histoire à vif », 590p

En relisant le nom de cet auteur, je me dis que j’aurais aussi pu initituler ce billet : Du rififi chez les gourous, mais je préfère le clin d’oeil à Claude Lévi-Strauss.

Garde à vue : 1 % de la population

Posté dans divers, MOTS par kerbacho - Date : août 2nd, 2010

Estomaqué ce soir à la lecture de cette information dans le Monde au sujet de la garde à vue en France : en 2009, 720 000 personnes ont été placées en garde à vue, soit plus d’1% de la population française !

Comment expliquer cette passion, fascination, soumission du Français face à l’uniforme de policier ?

Mères, pères, grands-pères, grands-pères, qu’avez-vous donc raconté à vos petits pour qu’ils se lancent si massivement dans cette profession (certes honorable a priori) ?
Quelle pensée, quelle éducation, quelle économie, quelle frustration, quelle illusion justifient-elles une telle dérive ? Mystère.