La musique d’Abdul Halim Jaffer Khan en concert gratuit à BXL


Je n’ai jamais parlé sur ce site d’un sitariste que j’apprécie pourtant beaucoup, et depuis longtemps, pour son originalité et son caractère. Âgé aujourd’hui de 80 ans, relativement peu connu en Occident (sauf par un CD publié jadis par Navras en Angleterre), Abdul Halim Jaffer (ou Jaffar) Khan jouit d’une grande considération en Inde. Il a beaucoup apporté à la musique classique de son pays et plus précisément au sitar, instrument sur lequel il a développé un style personnel dit Jafferkhani Baaj (hérité sans doute de son propre père) tout en restant globalement sous le parapluie de la tradition.
On pourrait dire qu’il est le plus sitariste des sitaristes, dans la mesure où ce qui fait son originalité, ce sont des traits par définition sitaristiques. Son ornementation est riche, très liquide si l’on peut dire, ses kan et ses meends (portamento) d’une rondeur peu communes, et son timbre, riche en harmoniques aigues mais douces, associé à un phrasé très personnel, font un style immédiatement reconnaissables. Son approche et son exposition du raga sont hautement systématiques, très démonstratives, et le moins que l’on puisse dire est que le sitariste n’a peur ni de se répéter, ni au contraire de (faire semblant de) s’égarer. Sa maîtrise de l’instrument est époustouflante, également dans le registre grave où il ne s’attarde malheureusement pas assez à mon gré. Sous des dehors peut-être superficiels, il y a une grande subtilité.

 Abdul Halim Jaffer Khan, sitar | Raga Gorakh Kalyan| Kishen Maharaj, tabla 
27′ | piste 2 du CD édité par Musician’s Guild 

Plus que d’autres, ce musicien affecte les contrastes, et dans les parties mesurées il use volontiers de motifs mélodiques courts, voire ultra courts, marqués par des silences, hypervirtuoses, ce qui donne un phrasé assez haché. D’où résulte un art très spectaculaire mais passionnant. Une musique que l’on ne peut pas écouter en tâche de fond sans qu’elle vous fasse dresser l’oreille… ou qu’elle vous irrite (souvent la qualité des enregistrements disponibles n’est pas extraordinaire).
Parmi les caractéristiques variées de cette façon de jouer du sitar, j’observe qu’Abdul Halim Jaffer Khan, comme Ravi Shankar, tire un profit maximum de l’amplification électrique de son instrument.

Son style ne se veut pas explicitement d’inspiration vocale, pour autant que j’en juge. Abdul Halim Jaffer Khan se situe lui-même dans la lignée des beenkar de l’Indore Gharana mais sans insistance ni sectarisme. Il est plutôt ouvert et syncrétique.

La séquence ci-dessus (R. Sindhi Bhairavi) date des années 60 et a été filmée par Deben Bhattacharya.

Si j’en parle ici et maintenant, c’est parce que la semaine prochaine, vendredi 4 décembre, jouera en concert à Bruxelles un jeune homme qui semble être un digne représentant du style Jafferkhani Baaj : Deepsankar Bhattacharjee, disciple direct d’Abdul Jaffer Khan.
Les extraits de concerts ci-dessous montrent que le garçon a des ressources qui justifient largement le déplacement.
D’autant plus que le concert sera gratuit*.
Il aura lieu à 19h à Flagey (renseignements : 0473 85 44 80 | confirmation recommandée par un message adressé à l’adresse indianclassicalmusic@live.be)

Dommage que dans ces enregistrements plus anciens il manque l’alap ! Dommage aussi pour la mauvaise qualité du son…

* A l’initiative du Bourgmestre, Monsieur Willy Decourty, Madame Delphine Bourgeois, Echevine des Affaires européennes et du Collège des Bourmestre et Echevins de la Commune d’Ixelles.

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